« L’ordre est venu du Premier ministre au préfet, direct », a déclaré la ministre de l’Ecologie à l’AFP. « Je désapprouve cette décision, je n’ai pas du tout changé d’avis, je pense que c’est une mauvaise décision qui est essentiellement suscitée par le chantage à l’emploi », a-t-elle ajouté.
Le préfet « a signé le lundi 28 décembre 2015 un arrêté autorisant la société Altéo à continuer à exploiter à compter du 1er janvier 2016 ses usines sur le site de Gardanne et autorisant, pour une durée de six ans, le rejet dans la mer d’effluents aqueux dépassant les limites réglementaires », avait annoncé un peu plus tôt la préfecture de Paca.
Il y a plusieurs mois, la demande d’une poursuite des rejets par cette usine avait déclenché la colère de plusieurs associations de défense de l’environnement et de riverains, qui dénoncent depuis des années la toxicité des boues rouges. Celles-ci seront interdites au 1er janvier 2016. Mais les défenseurs de l’environnement craignent qu’une nouvelle autorisation de rejets ne remette en cause le statut même du Parc national des Calanques, une aire de protection créée en 2012.
Altéo affirme avoir amélioré son procédé de production et ne plus avoir besoin de déverser des rejets solides (les boues rouges, ndlr), mais uniquement des effluents liquides.
« Il s’agit de rejets d’effluents liquides, chimiques, toxiques et radioactifs, c’est toujours le dossier des boues rouges, même si les rejets n’en n’ont plus la couleur », a indiqué à l’AFP Alain Matési, président de l’association « CoLLecT-IF environnement ».
Une analyse partagée par Mme Royal: « les dernières enquêtes de l’Anses publiées il y a quelques jours ont bien montré qu’à l’endroit des rejets, il y avait une contamination beaucoup plus forte, notamment en mercure, une pollution dangereuse pour la santé », a-t-elle affirmé en espérant « qu’il y aura des recours pour que toute la clarté soit faite ».
« Je vais mettre en place des surveillances pour être sure qu’au bout de deux ans, il n’y ait pas une reconduction laxiste du processus », a précisé la ministre, selon laquelle « il va falloir continuer à réfléchir à une mutation de site ».
Denez L’Hostis, président de France Nature Environnement, estime pour sa part que « l’enjeu de la période actuelle est qu’on dépasse les seuils légaux de rejets pour trois éléments, notamment l’arsenic et l’aluminium », car Altéo « ne sait pas encore filtrer tous les éléments toxiques avant de les rejeter en mer ».
Pour Altéo, la décision préfectorale, qui « confirme l’arrêt définitif de tout rejet de boues rouges en mer » et « permet le maintien de l’activité industrielle de l’usine », « va permettre à l’usine d’engager les recherches et développements pour améliorer la qualité des rejets liquides », a affirmé dans un communiqué Frédéric Ramé, le président de la firme.
« Un premier défi a été relevé, arrêter le rejet des boues rouges avant le 1er janvier 2016. Nous entendons relever un second défi, celui de la qualité des rejets liquides d’ici au 31 décembre 2021 », a-t-il ajouté.
Depuis près de 50 ans, ce site de production d’alumine (qui sert à fabriquer de l’aluminium) situé à Gardanne, près d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), bénéficie d’un droit d’expédier en mer des résidus, à 7 km au large de Marseille et Cassis. Plus de 20 millions de tonnes de boues rouges ont été ainsi déversées sur les fonds marins de la fosse de Cassidaigne.
Fin novembre, Ségolène Royal avait déjà déclaré n’être « pas favorable au renouvellement » de l’autorisation de rejets. Mais, il y a une dizaine de jours, attendant un dernier avis pour prendre son arrêté, le préfet de Paca avait déjà annoncé qu’il était favorable à la poursuite d’activité de l’usine, affirmant: « c’est la position du gouvernement et je l’applique ».