A Cannes, la fin d’un faux récif de vieux pneus, une hérésie environnementale

Epilogue scientifique de cette hérésie environnementale conçue dans les années 1980 dans l’espoir de régénérer la vie aquatique en entassant 25.000 pneus usagés au fond de la mer, ce suivi s’est achevé lundi, après six semaines de chantier, avec le conditionnement des échantillons.

Installés à l’origine à l’initiative des pouvoirs publics et des pêcheurs et situés entre la zone coralligène et les herbiers de posidonie, dans une aire marine où la pêche est interdite, les pneus devaient servir de récifs artificiels.

En 2015, une première opération pilote, conduite par l’Agence française pour la biodiversité et le département des Alpes-Maritimes, avait permis d’en remonter 2.500 et de valider le principe d’un nettoyage complet du site, situé dans une zone marine protégée Natura 2000.

Lundi, un des derniers pneus oubliés est remonté à la surface en même temps que les lignes de mesure, colonisé par de l’éponge orange de mer, de petits coraux grisâtres, des algues vertes, le sillon blanchâtre laissé des vers.

« Il restait 10.000 pneus à enlever. On avait des sondes reliées à des alarmes donnant des infos en direct sur la turbidité de l’eau (pour vérifier sa clarté, NDLR). En cas de dépassement, on pouvait arrêter le chantier. Maintenant que c’est fini, on a des vérifications à faire », explique Eric Blin, expert Eau, environnement et littoral au sein du groupe Suez, spécialiste du traitement des eaux usées.

– « la moule sauvage, rat de laboratoire en mer » –

Pour lui, c’est une première d’avoir réuni autant de capteurs sur une même ligne, arrimée à 20 mètres de fond environ. Il en avait descendu deux à proximité du chantier: « On avait les trois mesures sur chaque ligne, la chimie avec des capteurs passifs pour les métaux, la physico-chimie pour l’oxygène, la température, le phytoplancton, etc, et la biologie avec des moules ». Une ligne de référence était immergée, loin des pneus à enlever, face aux îles de Lérins.

« La moule sauvage, c’est notre rat de laboratoire en mer. Elle filtre environ 10 litres d’eau par heure et accumule les contaminants », détaille Françoise Loques, biologiste au Comité scientifique des îles de Lérins (CSIL), association partenaire de Suez. « On en met 100 par cages et on a un lot témoin pour savoir dans quel état elles étaient au départ. On a choisi de tester les contaminants qui risquaient d’être relâchés par les pneus comme les métaux lourds, les hydrocarbures, les PCB ».

« Le risque ici, quand on enlève les pneus, c’est de soulever du sable, des particules, de la vase. Quand on fait des travaux, il y a une étude d’impact à faire », reprend M. Blin. Une obligation légale. « Ca rajoute 7 à 8% de surcoût au chantier, mais ça permet d’assurer qu’on a bien travaillé et de développer des bonnes pratiques », calcule-t-il.

En tenue de plongée, de la main droite, l’expert ouvre le robinet d’un piège à sédiments. De ce long tube, qui a séjourné sous la mer fixé à la corde par des serre-câbles, s’écoule un liquide noir, aussitôt recueilli dans un bocal plastique. Il revisse le couvercle: « Et hop ça part en analyse ! ». Les échantillons sont dispatchés vers différents laboratoires du groupe, les moules analysées ailleurs.

Un premier bon signe: les moules repêchées près du chantier affichaient lundi 0% de mortalité.

clr/cr/asm

Suez

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