« Un pêcheur en mer, c’est au moins quatre emplois à terre au sein des filières de l’aval, du mareyage aux usines de transformations et à l’étal sur le marché. Nous devons être considérés comme une filière essentielle », affirme à l’AFP Olivier Le Nezet, le président breton du comité national des pêches.
Réunis il y a dix jours en conseil d’administration, les patrons de l’ensemble des comités de pêche de métropole et d’Outre-mer ont appelé le secrétaire d’Etat à la Mer, Hervé Berville, à soutenir une filière mise à mal par « le Brexit, le Covid et la crise énergétique ».
Solder le Brexit
Après plus d’un an de bataille entre Londres et Bruxelles, la France a finalement obtenu 1.054 licences de pêches du Royaume-Uni et des îles anglo-normandes.
Pour les dizaines de pêcheurs restés sur le carreau, le gouvernement a prévu un « plan d’accompagnement individuel » (PAI) ou plan de sortie de flotte pour les bateaux qui iront à la casse: un arrêté est attendu dans les jours qui viennent pour en fixer les modalités.
La Commission européenne finance 60 millions d’euros pour ce plan, qui pourrait concerner plus d’une centaine de navires.
L’urgence énergétique
Une aide de 35 centimes d’euro par litre de carburant avait été annoncée en mars mais elle prendra fin le 30 septembre.
Face à la flambée des prix de l’énergie, les pêcheurs demandent un dispositif pérenne et, in fine, une augmentation du prix du poisson.
Hervé Berville a demandé « un effort, notamment à la grande distribution » pour renflouer les caisses de l’association professionnelle France Filière Pêche, pour une enveloppe de solidarité.
L’autre grande inquiétude est le choc à venir cet hiver, avec la hausse des tarifs de l’électricité. « Au port de Lorient, la facture d’électricité a bondi. On est passé de 500.000 euros à 5 millions sur un an. Sur un port, il y a des frais incompressibles: il faut produire du froid en continu pour les criées, mais aussi de la glace (200 tonnes par jour), sans compter l’éclairage », dit à l’AFP Olivier Le Nezet.
L’enjeu de la décarbonation
« Il faut que nous puissions avoir accès à l’énergie décarbonée en vue de propulsions mixtes et plus tard de moteur à hydrogène », plaide-t-on aussi au comité des pêches.
Mais les pêcheurs craignent les freins juridiques: si le renouvellement des licences empêche d’augmenter la jauge des navires, au motif qu’un bateau plus puissant pourrait pêcher plus, alors ils estiment qu’il sera compliqué de moderniser la flotte et de susciter de nouvelles vocations.
Préserver la ressource
Depuis le Brexit, les pêcheurs estiment assister à « un pillage organisé de la Manche », du fait du report de nombreux navires sur cette zone et de techniques de pêche particulières, selon Olivier Leprêtre, président du comité des pêches des Hauts-de-France.
Au coeur du problème, la senne démersale: cette technique consiste à placer un filet en forme d’entonnoir dans le fond marin, relié par ses deux extrémités à des câbles qui encerclent une surface gigantesque (environ 3 km2). Une puissance de pêche dix fois supérieure à celle des petits bateaux, majoritaires en France.
Développée depuis plus de dix ans par l’industrie néerlandaise dans la Manche, elle est considérée par de nombreux scientifiques, pêcheurs et associations comme dévastatrice pour les écosystèmes marins. Les pêcheurs normands et nordistes qui l’avaient adoptée puis bannie, plaident aujourd’hui pour son interdiction totale sur les côtes françaises.
Un amendement en ce sens a été voté en juillet par la commission des pêches du Parlement européen, mais doit encore être adopté par le Conseil européen. Avant de nouvelles négociations fin septembre, un collectif de 120 députés français et européens a appelé mercredi le gouvernement à peser pour interdire définitivement « cet engin destructeur qui transforme nos mers et nos ports en désert ».