Devant des poubelles de tri sur une place de Chiconi (côte ouest), où a lieu la distribution, les bouteilles en plastique s’accumulent, à seulement quelques mètres du lagon.
Avant la généralisation des distributions à toute la population, 60.000 habitants considérés comme les plus vulnérables bénéficiaient déjà de 2 litres par jour depuis septembre. Et la consommation de bouteilles depuis le début de la crise de l’eau a explosé.
Pour la première journée de distribution générale, « 400.000 litres » ont été distribués, selon la préfecture.
Et si chaque point de distribution incite la population à ramener ses bouteilles vides en échange de nouvelles, une partie se retrouve inévitablement dans la nature.
Sur le sable de la plage d’Hamjago (nord), les bouteilles en plastique se mêlent aux canettes, morceaux de tissu et autres chaussures abandonnées.
« On constate déjà une nette augmentation des bouteilles plastiques dans les rivières et les mangroves », note Galiane Lavisse, responsable ingénierie de l’association Nayma, qui emploie des personnes en insertion pour leur nettoyage.
Un peu partout, mairies et associations se multiplient.
Samedi, une quarantaine d’habitants de Sada (côte ouest) se sont réunis pour nettoyer la rivière. « Ça me choque de voir autant de canettes et de tissus dans la rivière. C’est dégoûtant et ça donne des maladies », lance Riyana Ahmadi, gilet jaune sur le dos et sac poubelle à la main.
« On trouve de tout ici. Des sachets de lessive, des bouteilles, de l’électroménager, des matelas, des batteries et même des pneus », complète Imame Allaoui, agent de la police de l’urbanisme de la Ville.
Selon lui, le phénomène existe depuis « une décennie » mais empire avec une population en constante augmentation, la croissance démographique annuelle atteignant 4% dans le département le plus pauvre de France.
Et dans ce contexte de pénurie d’eau, la problématique inquiète de plus en plus. « Les déchets empêchent parfois l’écoulement de nos rivières », déplore l’agent municipal.
– « Crise des déchets » –
« Nous sommes confrontés à une véritable crise des déchets », estime de son côté Galiane Lavisse, pointant les « décharges sauvages » où les nouveaux déchets « continuent de s’entasser. »
A Mayotte, ce ne sont pas les collectivités qui gèrent la collecte mais l’éco-organisme Citeo, qui lui-même sous-traite la mission à différents acteurs. Plusieurs quartiers informels échappent d’ailleurs au circuit, faute d’accessibilité.
La grande majorité des déchets recyclables aussi, qui se retrouvent au mieux mêlées aux ordures ménagères, au pire dans la nature.
In fine, seuls 2% des canettes, cartons et bouteilles en plastique parviennent dans les bornes de tri. Contre 66% en métropole, selon le ministère de l’Ecologie.
De surcroît à Mayotte, aucune filière de recyclage n’existe. Selon Citeo, les déchets recyclables doivent être envoyés « dans l’Hexagone ».
Si les chiffres sont si faibles, c’est notamment parce que « les bacs de tri ne sont pas systématiquement vidés », indique Chanoor Cassam, directeur général des services du Sidevam qui assure la collecte des déchets ménagers. « Dans les villages, des ambassadeurs informent quand les bornes sont pleines. Mais il peut parfois y avoir un mois de délai » pour le ramassage.
L’île de l’océan Indien ne comptant qu’une seule déchetterie, les habitants sont habitués à brûler leurs déchets.
« Mayotte reste un jeune département, il y a une grosse phase de sensibilisation à faire », poursuit Chanoor Cassam. Sans compter que 77% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, et qu’avant de gérer les déchets, leur priorité c’est s’alimenter.