À Mayotte, les bidonvilles sévèrement touchés par la crise de l’eau

Mamoudzou, 17 oct 2023 (AFP) – Dans les bidonvilles de Mayotte où de nombreuses habitations ne sont pas raccordées au réseau d’eau potable, les files s’allongent devant les fontaines publiques: la crise de l’eau s’y fait particulièrement ressentir, poussant les habitants à consommer de l’eau non potable.

« C’est la galère, mais on n’a pas le choix, on s’adapte », confie Yaya, jeune homme de 19 ans qui n’a pas souhaité donner son nom de famille.

Le quartier de Kaweni, situé en périphérie de Mamoudzou, le chef-lieu de l’île, n’échappe pas à la règle. Dans ces « bangas » (bidonvilles), où des habitations en tôles ondulées s’accrochent à la colline, le domicile de Yaya ne se compose que d’un lit et d’une télévision.

Face aux difficultés d’approvisionnement à la fontaine publique, il explique avoir « lâché l’affaire ». « On se lève à trois heures du matin sans être sûr de pouvoir remplir ses bidons », déplore-t-il.

Pour pallier le pire épisode de sécheresse enregistré sur l’île depuis 1997, l’eau courante n’est disponible qu’un jour sur trois et seulement 18 heures par jour, pour les populations raccordées au réseau. Mais pour près d’un tiers de la population dont les habitations ne le sont pas (chiffres Insee 2017), comme dans le quartier de Yaya, la situation est encore plus difficile.

« Avant, nous allions tous à la borne fontaine payante située au pied du quartier. Aujourd’hui, c’est devenu mission impossible », déplore-t-il, car trop de gens y font la queue.

Selon Anthony Bulteau, coordinateur de terrain pour l’association Solidarités International, « la consommation d’eau dans les quartiers précaires de Mayotte représente 15 litres d’eau quotidiens par personne, contre 95 litres dans un foyer mahorais et environ 150 dans l’Hexagone ». Pour ce qui est des bornes fontaines, « leur consommation représentait en 2022 moins de 1% de la consommation totale du territoire », rappelle-t-il.

– Une seule fontaine –

« Il n’y a qu’une seule fontaine pour tout le quartier Bandrajou », lieu-dit de Kaweni, « mais elle n’est disponible que de 08H00 à 16H00, six jours sur sept, déplore Doulfakir Mahamoud, président de l’association de quartier de Bandrajou Kaweni. Avec tout le monde qui doit se servir, c’est ingérable pour ceux qui veulent constituer des stocks. »

Ce mercredi-là, l’afflux est raisonnable autour de cette borne fontaine en milieu d’après-midi.

« Je viens de terminer le travail. Al hamdoulillah (« Dieu merci », en arabe), il n’y a pas de foule aujourd’hui. Parfois, je dois revenir jusqu’à six fois par jour. La queue est trop longue et il ne faut pas s’éterniser », raconte, bidons à la main, Féfé, une mère de famille de 27 ans qui préfère se présenter avec son surnom.

Les files s’allongeant autour des bornes fontaines, certains n’hésitent pas à consommer de l’eau non potable, de l’eau de pluie ou celle de la rivière située sur les hauteurs du quartier, quitte à s’exposer à des risques sanitaires.

L’eau de la rivière est pompée et distribuée à une partie du quartier par un de ses habitants. Un danger sanitaire et écologique que Yaya reconnaît avec amertume: « comment faire autrement ? On est de plus en plus nombreux à devoir agir ainsi ».

Il dit boire « parfois » cette eau et rapporte des cas de maladies dans le voisinage. « Mais c’est aussi à cause de l’eau de la fontaine », insiste-t-il.

« On répète aux familles qu’il faut la faire bouillir avant de la consommer lorsqu’elle est stockée plusieurs jours », martèle Doulfakir Mahamoud, en précisant que l’eau « est souvent trouble lorsque le réseau est réactivé ».

Dans ce quartier pauvre, où se mêlent Français et étrangers, majoritairement issus des Comores voisines, acheter de l’eau en bouteille est financièrement impossible.

Né à Mayotte, Yaya bénéficie d’un titre de séjour. Contrairement à beaucoup de ses voisins, le jeune homme ne craint pas un contrôle d’identité en se rendant aux futures distributions d’eau en bouteille.

Bien que ces distributions doivent être élargies à toute la population à partir de mi-novembre, le jeune homme ne se sent pas concerné par cette aide car il ne dispose d’aucune information pour en bénéficier. « De toute façon, ici, on est habitué à boire l’eau de la rivière », conclut-il.

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