Accès défaillant à l’eau, violences quotidiennes, immigration incontrôlée, habitats insalubres, sous-développement des services publics et des infrastructures: les défis sont immenses dans le 101e, et plus pauvre, département français.
Promise après le passage du cyclone Chido qui avait ravagé l’île le 14 décembre, cette loi-programme – bien plus large que la loi d’urgence votée en février – est le fruit de plusieurs mois de concertation avec les élus mahorais. Elle reprend aussi les ambitions portées sans succès par les précédents gouvernements.
Le texte, mis à l’ordre du jour du Sénat le 19 mai puis examiné à l’Assemblée en juin, est composé de 34 articles regroupés en six titres. En voilà les grandes lignes:
– 3,2 milliards sur 6 ans –
Le titre premier se distingue par sa forme: un rapport annexé au projet de loi, doté d’une valeur juridique, qui impose des objectifs à l’exécutif.
Il recense les priorités de l’État pour Mayotte, et prévoit 3,2 milliards d’euros d’investissements publics entre 2025 et 2031, fléchés vers l’eau, l’éducation, la santé, les infrastructures ou la sécurité.
Il contient aussi des engagements plus généraux, comme la fin des rotations scolaires avant 2031, alors qu’aujourd’hui, de nombreux élèves doivent partager leur salle de classe avec un autre groupe, faute de places disponibles.
« Ça méritera sans doute d’être affiné, complété dans le cadre du débat parlementaire », glisse une source au sein de l’exécutif.
– Immigration, habitat illégal et sécurité –
Le titre II s’attaque à « deux fléaux identifiés depuis longtemps »: l’immigration clandestine et l’habitat informel.
Le texte durcit les conditions d’accès au séjour, centralise les reconnaissances de paternité à Mamoudzou et augmente les peines pour reconnaissance frauduleuses de paternité.
Il facilite aussi les expulsions de bidonvilles, en supprimant l’obligation d’annexer une offre de relogement à l’arrêté d’évacuation, en augmentant de 96 heures à sept jours le délai de flagrance pour constater la construction d’un habitat informel et en augmentant le nombre d’agents habilités pour ces contrôles.
Le titre III, à « dimension plus sécuritaire », prévoit des régimes juridiques spécifiques: renforcement des contrôles sur les armes, lutte accrue contre l’emploi d’étrangers sans titre et retrait possible des titres de séjour aux parents d’enfants considérés comme menaçant l’ordre public, sous strictes conditions.
– Convergence sociale et levier économique –
Le titre IV rassemble des mesures économiques et sociales. Il inclut un article sur la convergence sociale, très attendue par les Mahorais. Le RSA y est encore deux fois plus bas qu’en Hexagone, et le SMIC horaire y est inférieur. Le projet fixe l’horizon 2031 pour atteindre cette convergence.
Il facilite aussi les constructions d’infrastructures essentielles, avec un article simplifiant les procédures foncières, souvent sources de blocage sur l’île.
Par ailleurs, le texte prévoit la création d’une zone franche globale à 100%, étendue à toutes les entreprises et tous les secteurs d’activité, pour stimuler l’économie mahoraise.
– Gouvernance locale renforcée –
Nouveauté: Mayotte deviendra une collectivité unique « Département-Région ». Ce changement institutionnel, acté dans une loi organique parallèle, vise à donner plus de leviers aux élus mahorais, notamment pour gérer les fonds européens et piloter le développement de leur archipel.
Le texte instaure aussi des incitations pour attirer les fonctionnaires, comme une bonification d’ancienneté et une priorité de mutation au retour.
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