A Nairobi, aux négociations pour « l’autre COP » sur la biodiversité, des blocages tous azimuts

Nairobi, 25 juin 2022 (AFP) – Un manque d’intérêt politique, une multitude de secteurs concernés, des pays accusés de faire de l’obstruction: les discussions en amont de la COP15 biodiversité suivent le processus classique des négociations internationales, mais connaissent aussi des difficultés spécifiques, constatent des experts et observateurs.

Depuis mardi et jusqu’à dimanche soir, des représentants des 196 pays membres de la Convention pour la diversité biologique (CDB) de l’ONU sont réunis à Nairobi. Malgré leur travail acharné, force est de constater samedi que les progrès restent maigres. Le temps presse, alors que la COP15, repoussée plusieurs fois, se tiendra en décembre à Montréal.

« Le négociateur en moi dit que c’est normal » à ce stade, mais « il reste encore des points de divergence énormes », lâche un négociateur, riant jaune.

Les membres de la CDB, 195 Etats plus l’Union européenne, mais pas les Etats-Unis, doivent s’entendre sur un cadre mondial pour préserver la nature d’ici 2050, que certains voudraient aussi important que l’accord de Paris pour le climat.

La CDB est née du Sommet de la Terre à Rio en 1992, comme la CNUCC et les COP climat, mais ne bénéficie pas de la même attention politique et médiatique, constate Oscar Soria de l’ONG Avaaz.

« Ces sujets ne sont pas prioritaires dans les agendas politiques des Etats », confirme à l’AFP Aleksandar Rankovic, professeur à Sciences Po Paris.

De nombreux délégués présents viennent des ministères de l’Environnement. Or « il existe une faiblesse structurelle de ces ministères par rapport aux autres secteurs », agriculture, industrie, finances… poursuit Aleksandar Rankovic. « Pourquoi c’est compliqué ici? Parce qu’à la maison, tout le monde s’en fiche ».

Certains négociateurs manquent de culture économique, alors que la question des financements est cruciale, relève aussi un observateur.

– ‘Double standard’ –

Protection et restauration d’espaces naturels, agriculture, pêche, pollutions, extraction minière, production et consommation durables… Les négociations de la CDB couvrent une multitude de secteurs.

Impossible, comme dans le climat, d’avoir un objectif unique – limiter le réchauffement climatique si possible à 1,5°C – et un secteur en première ligne, les énergies fossiles.

« Quand il s’agit de traiter de biodiversité, c’est d’une complexité extraordinaire », constate David Obura, un chercheur kényan spécialiste des coraux.

Des représentants de peuples autochtones de plusieurs continents, dont les modes de vie sont plus respectueux de la biodiversité ont fait le déplacement à Nairobi pour faire en sorte que leur voix soit mieux entendue.

A Nairobi, chacun campe sur ses positions et la volonté de parvenir à un consensus manque.

Pour avancer, il faudrait « s’affranchir des confrontations binaires sur les modèles à suivre et sur les trajectoires à emprunter pour transformer nos sociétés, surtout les secteurs les plus impactant comme l’agriculture », selon Juliette Landry, chercheuse au centre de réflexion IDDRI. « Plusieurs modèles peuvent dans certains cas coexister », juge-t-elle.

La Chine, qui devait accueillir la COP15 et en garde la présidence, ne joue pas assez le rôle de facilitateur, estiment plusieurs participants.

Le Brésil et l’Argentine sont régulièrement cités dans les couloirs comme faisant de l’obstruction sur certains points pour défendre l’agro-industrie.

« Le Brésil se comporte comme un bloqueur dans les négociations, introduisant des propositions de dernière minute et affaiblissant l’ambition », a critiqué ouvertement Marco Lambertini, directeur général de WWF International.

Des délégués du Sud ont un point de vue plus mesuré. « C’est un moyen très facile de faire porter la faute sur quelqu’un d’autre », dit l’un d’eux. Les pays en développement, qui abritent la biodiversité la plus riche, ont besoin de se développer économiquement,arguent certains.

Un autre parle d’un « double standard », relevant que le refus de certains pays riches de considérer la demande des pays en développement d’une aide financière annuelle de 100 puis de 700 milliards de dollars par an est un frein puissant aux négociations.

L’Union européenne n’apparaît pas en position de leader à Nairobi, jugent plusieurs observateurs.

A l’inverse, « nous sommes encouragés par des pays comme le Nigeria, la Colombie et le Costa Rica qui font preuve de leadership sur des questions critiques comme les finances », relève Claire Blanchard de WWF International.

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