Après trois ans de travaux et une soixantaine de millions d’euros d’investissement, La Cotinière vient d’inaugurer de nouvelles installations, à la hauteur de son statut de huitième port de pêche français en valeur l’an dernier, avec 5.000 tonnes de frais (poissons et fruits de mer) en vente chaque jour.
La digue a été rallongée de 120 mètres pour protéger l’accès au chenal et à une nouvelle criée, dont la toiture est inspirée des cabanes ostréicoles multicolores de l’île et qui est
ceinturée d’une promenade dominant la mer.
« Cela permet aux touristes et à tout le monde de suivre l’activité des professionnels », apprécie Nicolas Dubois, le directeur du port, où mouillent 80 bateaux et dont l’activité génère 250 emplois directs selon lui.
Mais pour le maire de Saint-Pierre d’Oléron (6.600 habitants), Christophe Sueur, les futures éoliennes vont gâcher le paysage malgré leur éloignement à plus de 35 km des côtes(distance fixée fin juillet par le gouvernement), au-delà d’un parc naturel marin.
– Recours gracieux –
L’élu a été le premier à déposer un recours gracieux, début septembre, contre le projet de parc éolien « Sud-Atlantique », posé sur les fonds marins. D’une capacité d’environ 1.000 mégawatts (MW), sa mise en service est prévue après 2030.
M. Sueur y voit « une remise en cause de la première activité économique de l’île »: selon lui, 50% du chiffre d’affaires annuel du port est réalisé dans la zone actuelle du projet.
« Si l’on ne peut pas pêcher dans le futur parc, cela va créer de la tension », abonde Nicolas Aussant, propriétaire d’un fileyeur, « parce que tout le monde va se retrouver concentré sur la même zone ».
« Les éoliennes doivent s’adapter aux pêcheurs et pas l’inverse, poursuit Philippe Micheau, président du comité départemental des pêches. Si nous sommes rejetés du parc, ce sera la mort de la pêche parce qu’on ne peut pas aller ailleurs. »
Contrairement à la Belgique par exemple, la France permet aux pêcheurs de travailler dans les parcs éoliens.
Le secrétaire d’État à la mer Hervé Berville s’est d’ailleurs voulu rassurant samedi en inaugurant la criée, alors qu’ailleurs en France des pêcheurs protestent contre d’autres projets éoliens offshore, notamment à Saint-Brieuc, où un parc doit entrer en service fin 2023. Le sujet était d’ailleurs au menu des Assises de la pêche, jeudi et vendredi à La Rochelle.
« Le parc de Saint-Brieuc n’est ni fait, ni à refaire », a-t-il martelé. À Oléron, « nous allons définir le cahier des charges avec les élus, les pêcheurs, le Département pour travailler sur la meilleure cohabitation possible (…) pour tenir nos ambitions énergétiques et les besoins de tous. Cela va prendre deux ans ».
– Étroite collaboration à Saint-Nazaire –
À Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), où le président Emmanuel Macron a inauguré jeudi le premier parc en mer français (80 éoliennes d’une puissance de 480 MW), José Jouneau, président du comité régional des pêches, reconnaît qu’il « existe forcément des tensions au quotidien » et que « ça peut bloquer ».
Dans cette zone « où l’on compte entre 160 et 200 navires annuellement », « on travaille en étroite collaboration pour maintenir un équilibre entre les pêcheurs et le parc éolien », explique-t-il en soulignant l’importance de groupes de travail associant pêcheurs, État et développeurs.
À Oléron, M. Sueur redoute également « la destruction de dizaines et dizaines de kilomètres de fonds marins » car « une éolienne, c’est 1.600 tonnes de béton et de métal qu’on va enfoncer sur 40 mètres de profondeur (…) sans parler du câblage enfoui sous le sol », affirme-t-il.
Le président de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, pense au contraire que cela peut « vitaliser la faune marine »: « au large d’Hossegor (Landes), nous avons immergé des rochers qui ont amené une faune aquatique étonnante ».
Cet effet « récifs » a été observé dans d’autres pays européens – Grande-Bretagne, Belgique ou Pays-Bas – mais les scientifiques reconnaissent que chaque configuration de site est différente.