« Nous n’accepterons pas de nouvelles conditions. Toutes nos demandes sont justifiées, nous voulons des autorisations définitives », a-t-on indiqué lundi au ministère français de la Mer.
La France, qui attend encore des réponses pour 169 demandes d’autorisations définitives à Jersey, 168 à Guernesey et 87 dans la zone des 6 à 12 milles au large des côtes britanniques, prévient que sa « riposte sera proportionnelle à l’offre britannique ».
Dans un geste d’apaisement, le gouvernement autonome de Jersey, île située entre la France et la Grande-Bretagne, avait annoncé vendredi qu’il octroierait dans la semaine des autorisations à des bateaux de l’Union européenne et renouvellerait des licences provisoires pour ceux qui peinent à rassembler les justificatifs demandés.
« N’importe quoi! Jersey fait la marionnette de Londres, c’est aux Etats de se mettre d’accord et il est plus que temps », a réagi auprès de l’AFP Olivier Le Nezet, président du comité régional des pêches de Bretagne.
– « Ca va mal se terminer » –
Comme son collègue de Normandie, il est prêt à jouer des muscles, « puisqu’il n’y a que cela que les Anglais comprennent ». « A ce jeu-là, ça va mal se terminer », redoute-t-il, fatigué à l’idée « d’aller faire le siège de Jersey tous les quatre-cinq mois ».
Les pêcheurs français plaident pour des mesures de rétorsion immédiates: interdire aux bateaux anglais de débarquer, réduire la coopération économique ou universitaire avec les îles anglo-normandes. Paris dit « étudier » le sujet, avec Bruxelles en arbitre.
Sujet explosif tout au long des négociations sur les conditions de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, l’accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques reste un sujet de tension malgré l’accord post-Brexit entre Londres et Bruxelles, en vigueur depuis le 1er janvier.
Début mai, des dizaines de bateaux de pêcheurs normands et bretons s’étaient massés dans le port de Saint-Hélier à Jersey pour défendre leur droit de continuer à pêcher dans ces eaux, provoquant l’envoi par Londres de deux patrouilleurs pendant quelques heures.
Ce coup de fièvre avait abouti à l’allongement des délais sans rien changer au fond: les flottes européennes devront renoncer à 25% de leurs captures dans les eaux britanniques à l’issue d’une période de transition courant jusqu’en juin 2026.
D’ici-là, l’accord post-Brexit prévoit l’obligation pour les pêcheurs européens d’obtenir de Londres de nouvelles licences. Celles-ci sont conditionnées à la preuve d’une antériorité de leur pratique de pêche dans les eaux britanniques.
L’urgence concerne les îles anglo-normandes avec l’expiration imminente de dizaines de licences provisoires.
Jeudi, la ministre française de la Mer, Annick Girardin, a brandi la menace de rétorsions au niveau européen si Londres tergiverse.
La situation est particulièrement délicate pour Jersey, qui a fixé des dates limites, alors que Guernesey renouvelle de mois en mois les licences provisoires, explique-t-on côté français.
– Vers une nouvelle date butoir ? –
« On a passé des mois à réunir toutes les pièces justificatives, notamment pour les petits bateaux qui n’ont pas de système de localisation satellitaire, on a tout donné », affirme Jean-Luc Hall, président du Comité national des pêches.
Du côté du ministère français, on souligne aussi les efforts déjà consentis, avec des demandes totales pour Jersey passées de « 344 navires en janvier à 216 aujourd’hui », dont seules 47 ont été définitivement validées.
Au gouvernement de Jersey, qui promet une nouvelle date limite au 31 janvier 2022, les pêcheurs français rétorquent d’un bloc: « ça suffit ».
« C’est l’angoisse pour les pêcheurs qui ne savent pas s’ils peuvent réparer leur bateau, s’ils pourront payer leurs crédits », explique M. Hall.
Une lassitude partagée par des pêcheurs de Jersey, qui veulent protéger leur flotille de petits bateaux contre les géants qui frayent en Manche, mais redoutent « des années très difficiles » s’ils perdent leurs débouchés européens pour leurs homards et coquilles Saint-Jacques.