Accord sur la frontière maritime entre le Liban et Israël: que sait-on ?

Beyrouth, 14 oct 2022 (AFP) – Le Liban et Israël ont annoncé être parvenus à un accord « historique » réglant leur différend frontalier maritime, par le biais d’une longue médiation américaine, qui doit lever les obstacles à l’extraction d’hydrocarbures en Méditerranée orientale.

Voici ce que l’on sait de l’accord :

– Quels en sont les termes ? –

Les négociations entre les deux pays voisins, toujours techniquement en état de guerre, ont été tortueuses depuis leur lancement en 2020.

Mais les pourparlers indirects se sont accélérés ces dernières semaines, les deux parties lorgnant les revenus des gisements de gaz offshore.

Le texte final de l’accord a été soumis au Liban et à Israël par le médiateur américain, Amos Hochstein, en début de semaine, et les deux pays ont annoncé tour à tour l’avoir accepté.

Il stipule qu’il « établit une résolution permanente et équitable de leur différend maritime », selon une copie obtenue par l’AFP.

Après l’entrée en vigueur de l’accord, le Liban et Israël déposeront les coordonnées géographiques de la frontière maritime auprès des Nations Unies, ce qui annulera les tracés adoptés par les deux pays en 2011.

En vertu de l’accord, Israël, qui devrait commencer à produire du gaz dans quelques semaines, a des droits complets et incontestés sur le champ gazier de Karish.

Le Liban pour sa part aura tous les droits d’exploration et d’exploitation du champ de Cana, dont une partie se situe dans les eaux territoriales d’Israël.

Mais « Israël sera rémunéré » par la firme exploitant Cana « pour ses droits sur d’éventuels gisements », selon le texte de l’accord.

– Quelles inquiétudes ? –

La rémunération d’Israël sera déterminée lors de pourparlers séparés entre l’Etat hébreu et la compagnie opérant à Cana, situé dans le bloc 9 au Liban. Les deux parties devront signer un accord financier.

Le liban a divisé la zone économique exclusive en mer en dix blocs. Le bloc 9 faisait partie de la zone contestée avec Israël.

Le Premier ministre israélien, Yair Lapid, a déclaré mercredi qu’Israël « recevrait environ 17% des revenus du champ gazier libanais, le champ Cana-Sidon ».

Le géant français de l’énergie TotalEnergies a remporté une licence d’exploration du champ de Cana.

L’accord stipule qu’Israël travaillera de bonne foi avec l’Opérateur du bloc 9 pour s’assurer que cet accord est conclu « en temps opportun ».

L’Etat hébreu ne s’opposera pas non plus ou ne prendra pas de mesure qui « retarde indûment » l’exploitation du champ, selon le texte de l’accord.

Mais l’expert libanais en énergie Suhail Chatila qualifie l’accord financier avec Israël de pré-requis « dangereux ».

« Israël a le droit d’arrêter tout développement à Cana en demandant que l’accord financier avec Total soit d’abord finalisé. Cela signifie que s’ils ne veulent pas que le Liban procède à l’extraction du gaz, ils ont une fenêtre d’opportunité dans cet accord frontalier », déclare-t-il à l’AFP.

L’expert financier Mike Azar estime pour sa part que l’accord ne résout pas les principaux problèmes économiques liés au partage des bénéfices des hydrocarbures, mais les reporte à une date ultérieure.

« La capacité du Liban à explorer et ultérieurement exploiter Cana dépend des approbations israéliennes et d’un futur arrangement financier entre Total et Israël », explique-t-il.

« À court terme, cet accord est plus rentable pour Israël car la production de gaz de son champ de Karish peut commencer de manière imminente », indépendamment du Liban.

– Qu’est-ce qui est en jeu ? –

Une étude sismique réalisée en 2012 sur une zone offshore limitée par la société britannique Spectrum a estimé les réserves de gaz récupérables au Liban à environ 720 milliards de mètres cubes.

Les responsables libanais ont annoncé des estimations plus importantes.

Il n’y a toujours pas de réserves de gaz prouvées dans le champ de Cana. L’accord sur la frontière maritime permettra à TotalEnergies et Eni de lancer l’exploration.

Selon la modélisation financière de la Lebanese Oil & Gas Initiative (LOGI), une ONG indépendante, « le scénario le plus positif » serait la découverte de réserves de gaz à Cana à hauteur de 453 milliards de mètres cubes.

Dans ce cas, « les bénéfices du Liban seront d’environ 6 milliards de dollars sur 15 ans », a déclaré Diana Kaissy, membre du conseil consultatif de LOGI.

Une faible somme par rapport à la dette de plusieurs milliards de dollars du Liban.

ho/jos/at/bfi

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