Paris et Rome avaient lancé il y a un peu plus d’un an un projet visant à créer un « champion naval » européen en rapprochant les deux groupes face à la concurrence, notamment chinoise et russe.
« Nous poursuivons résolument notre projet d’alliance avec Fincantieri avec la volonté renouvelée de créer notre +joint-venture+ », a déclaré M. Guillou devant des journalistes.
Cette co-entreprise a selon lui « vocation à créer des synergies industrielles, notamment sur la recherche et développement ou la fonction achat, mais aussi de permettre de faciliter des programmes bilatéraux entre la France et l’Italie. »
« Nous sommes tous les deux trop petits », a plaidé le patron de Naval Group, détenu à 62,25% par l’Etat et 35% par Thales. « Nous considérons qu’en étant alliés, et grâce à la complémentarité de nos produits et de nos offres, nous sommes capables de gagner en moyenne dans les 10 ans qui viennent un navire supplémentaire par an. »
Le projet, comparé à une « alliance Renault-Nissan du naval », prévoyait des participations croisées de 5% à 10% entre Fincantieri et Naval Group, mais cette option semble pour l’heure mise de côté.
« Ca a toujours du sens », a fait valoir le PDG de Naval Group, mais « la joint-venture peut se faire sans participation » même si « elle sera beaucoup plus efficace s’il y a des participations ».
Selon lui, cela « nécessite une discussion approfondie au niveau politique qui n’a pas encore eu lieu ».
Le changement de majorité en Italie et la détérioration des relations entre Paris et Rome n’expliquent pas tout. L’hypothèse bute avant tout sur des questions stratégiques.
– Des signaux positifs la semaine prochaine –
« C’est extrêmement engageant d’avoir dès le début une prise de participation », selon une source française au fait du dossier. Cela « implique automatiquement une situation qui de fait interdit toute possibilité de manoeuvrer dans un sens ou dans l’autre par la suite. »
Cela « ne peut pas se faire au détriment des capacités françaises, en créant des dépendances de souveraineté ou pire, avec des pertes de capacités technologiques ou techniques qui font la différenciation de nos bâtiments en France et à l’export. »
« C’est fondamental, c’est la ligne rouge », a insisté cette source.
D’autant que les deux champions présentent une « dissymétrie » en cas de participation croisée. Naval Group dispose des capacités de systèmes tactiques et de combat (combat management systems, CMS, comme les radars, capteurs, systèmes de contrôle, etc.) alors que côté italien, c’est le groupe Leonardo qui a le savoir-faire.
D’où l’annonce début octobre d’une relance de la co-entreprise Fincantieri et Leonardo, « Orizzonte Sistemi Navali », qui n’a toutefois pas résolu tout le problème.
« C’est moi qui l’ai demandé », a assuré Hervé Guillou. « Sinon, notre accord avec Fincantieri serait complètement déséquilibré (…) Nous prenions le risque, si cet accord n’avait pas eu lieu, de nous retrouver avec un concurrent sur les systèmes de combat qui ne serait pas partie de l’alliance. »
Reste la voie de la co-entreprise. « Entre les deux sociétés, le travail se poursuit », a fait valoir une source industrielle. « Il ne s’est jamais interrompu depuis la remise en juillet dernier par Naval Group et Fincantieri d’un document conjoint aux deux gouvernements sur la feuille de route pour la future alliance. »
« Il y a des tensions entre les deux gouvernements, par exemple sur la question des migrants, mais les deux groupes n’entrent pas là-dedans », a poursuivi la source industrielle, en indiquant que « quelques signaux positifs pourraient venir la semaine prochaine », où se tient à Paris le salon Euronaval.
« La position aujourd’hui est de laisser les industriels travailler et voir si ce projet qui concerne les bâtiments de surface peut avoir un sens industriel », a résumé la source française. « Parce que s’il n’y a pas de nouveaux marchés ou bâtiments gagnés, alors ça ne sert pas à grand chose », sachant que l’objectif est l’export.
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