Depuis plusieurs mois, le domaine de Søre Fagerfjord –un peu plus de 60 km2 de plaine et de montagne loin de tout– est en vente pour quelque 300 millions d’euros sur l’archipel situé à mi-chemin entre la Norvège continentale et le pôle Nord.
L’avocat Per Kyllingstad chargé de représenter les vendeurs présente ce terrain comme une occasion unique, le décrivant comme « le dernier terrain privé au Svalbard et, à notre connaissance, le dernier terrain privé au monde dans le Grand Nord ».
Il a dit à l’AFP avoir reçu des « marques d’intérêt concrètes » de la part de potentiels acquéreurs chinois alors que le Svalbard baigne dans une région dont la valeur géopolitique et économique grandit à mesure que les tensions entre la Russie et l’Occident s’exacerbent et que la banquise recule.
Mais l’Etat, qui veut ouvertement conforter la souveraineté norvégienne sur le territoire, veut avoir son mot à dire.
Il invoque désormais la loi sur la sécurité nationale pour exiger qu’une vente et même l’ouverture de négociations à cette fin soient soumises à son approbation.
« Les propriétaires actuels de Søre Fagerfjord (…) sont ouverts à la vente à des acteurs qui pourraient défier la législation norvégienne au Svalbard », a fait valoir la ministre du Commerce, de l’Industrie et de la Pêche, Cecilie Myrseth, dans un communiqué.
« Cela pourrait perturber la stabilité dans la région et potentiellement menacer les intérêts norvégiens », a-t-elle ajouté.
Me Kyllingstad n’a pas immédiatement réagi à cette annonce. Le vendeur, selon des médias norvégiens, est une société contrôlée par une Russe naturalisée norvégienne.
Les commentateurs doutent de la possibilité d’une cession pour 300 millions d’euros: situé dans le Sud-Ouest de l’archipel loin de toute infrastructure, le terrain est localisé dans un parc national où constructions et déplacements motorisés sont interdits, le privant de toute valeur commerciale.
Grand comme deux fois la Belgique, le Svalbard est régi par des dispositions juridiques spécifiques qui entrouvrent la porte aux velléités étrangères.
Un traité de 1920 reconnaît la souveraineté norvégienne sur le territoire mais il accorde aussi aux ressortissants des parties contractantes –dont la Chine– le droit d’y exploiter les ressources naturelles « sur un pied de parfaite égalité ».
C’est à ce titre que la Russie y possède plusieurs emprises où sa compagnie d’Etat Trust Arktikugol a exploité et exploite toujours des filons de charbon.
En 2016, le gouvernement norvégien avait déboursé 33,5 millions d’euros pour acheter, près de Longyearbyen –principale localité de l’archipel–, l’avant-dernier terrain encore privé au Svalbard qui, disait-on déjà, suscitait l’intérêt d’investisseurs chinois.