A l’unanimité, 15 juges de la Cour suprême ont rejeté une demande de l’armateur letton SIA North Star qui réclamait de pouvoir librement pêcher le crabe des neiges autour de cet archipel de l’Arctique, invoquant les clauses d’un traité ouvrant la voie à différentes interprétations.
Au-delà du crabe des neiges, mets apprécié en Asie notamment, l’affaire revêt une importance particulière car elle est considérée comme un test pour le contrôle des autres ressources susceptibles de se trouver dans ces fonds sous-marins (hydrocarbures, minéraux…)
Pour pouvoir pêcher le crabe des neiges, un droit que la Norvège réserve aux seuls pêcheurs norvégiens, SIA North Star invoquait un article du « Traité concernant le Spitzberg » (autre nom du Svalbard), ovni juridique signé à Paris en 1920 qui régit la gouvernance de ce territoire grand comme deux fois la Belgique.
Cet accord reconnaît « la pleine et entière souveraineté de la Norvège » sur le Svalbard mais accorde aussi aux ressortissants des parties contractantes le droit d’y exploiter les ressources naturelles « sur un pied de parfaite égalité ».
C’est à ce titre que la Russie maintient une communauté minière sur ce territoire qui, situé à équidistance entre le continent européen et le pôle Nord, contribue à commander l’accès de sa puissante Flotte du Nord vers l’océan Atlantique.
Mais la formulation du traité limite cette égalité de traitement aux terres de l’archipel et aux « eaux territoriales », un concept qui désigne aujourd’hui la zone maritime de 12 milles marins mais qui n’était pas précisément définie en 1920.
Selon SIA North Star, l’esprit du traité plaide pour que cette disposition s’applique à l’ensemble du plateau continental, une zone beaucoup plus vaste qui n’avait pas non plus d’existence juridique à l’époque où le traité a été signé.
La Cour suprême lui a donné tort, jugeant que la formulation du traité ne pouvait faire l’objet d’une « interprétation extensible ».
« Il n’y a pas eu d’évolution du droit international qui fasse que la notion d’+eaux territoriales+ englobe aujourd’hui les zones au-delà des eaux territoriales », a-t-elle fait valoir.
Parmi la quarantaine d’Etats signataires du traité, dont la Lettonie, la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou encore la Russie, la Norvège est quasiment la seule à faire une interprétation restrictive du texte.
La question n’a à ce jour jamais été portée devant une instance juridique internationale.
« Nous sommes déçus mais nous ne sommes pas vraiment surpris par le verdict car ce dossier a de nombreux aspects à la fois juridiques mais aussi politiques », a réagi l’avocat de l’armateur letton, Hallvard Østgård, auprès de l’AFP.
Il a dit souhaiter que l’affaire soit portée devant la Cour internationale de Justice (CIJ), que seuls les Etats peuvent saisir.
L’Etat norvégien, lui, s’est dit « satisfait » que la justice lui ait donné raison.
« C’est une clarification importante au niveau national d’une question qui a été soulevée à plusieurs reprises dans des tribunaux norvégiens », a déclaré à l’AFP la ministre des Affaires étrangères, Anniken Huitfeldt, via ses services.