« Le carnet de commandes des porte-conteneurs est en plein essor », constatent les analystes du courtier Banchero Costa.
Ces derniers ont calculé qu’au cours des sept premiers mois de l’année, au moins 276 nouveaux navires ont été commandés pour un total de 2,6 millions équivalent vingt pieds (EVP), une unité de mesure pour les conteneurs.
Mais le temps nécessaire pour construire un navire – au moins deux ans – ne devrait pas permettre de calmer la surchauffe à court terme.
« Les livraisons devraient rester au même niveau en 2021 et 2022 », reprennent les analystes du courtier italien, c’est seulement « l’année 2023 qui devrait dépasser le record de 2015 en termes de capacité ».
D’ici là, « tout ce qui peut flotter est utilisé » par les armateurs, résume auprès de l’AFP le dirigeant du cabinet de consultant Sea Intelligence Alan Murphy.
La demande de services de transport et de logistique connaît un très fort rebond depuis le second semestre 2020 en raison du report de la consommation des ménages, en particulier dans les pays occidentaux, sur les biens de consommation au détriment des services qui continuent d’être affectés par les restrictions sanitaires.
S’ajoute la nécessité pour les entreprises de reconstituer leurs stocks, qui ont été en grande partie épuisés l’an dernier lorsque les échanges ont été quasiment mis à l’arrêt par la pandémie de Covid-19.
Conséquence: le transport de marchandises, et en particulier le fret maritime, peine à répondre aux besoins, entraînant dans le sillage de la pénurie de conteneurs et de navires une hausse des coûts de transport.
– Poches pleines –
L’indice Freightos Baltic, qui rend compte du coût du fret sur les principales routes maritimes, a par exemple été multiplié par plus de cinq en un an pour un voyage de la Chine vers la côte Ouest des Etats-Unis, mais toutes les routes sont affectées.
De quoi renflouer les poches des armateurs après dix années de disette: ainsi le premier transporteur mondial de conteneurs, le géant danois AP Møller-Maersk, a engrangé au seul deuxième trimestre 2021 30% de plus que sur l’ensemble de l’année 2020.
CMA-CGM n’est pas en reste: la société française a affiché vendredi un bénéfice net au deuxième trimestre vingt-cinq fois plus important qu’un an plus tôt à la même période, de quoi financer plus aisément de nouveaux navires.
Au total, 22 porte-conteneurs ont été commandé en avril par le Marseillais, attendus en 2023 et 2024. A titre de comparaison, la compagnie n’en recevra cette année que 14.
En attendant, la chasse aux bateaux d’occasion est ouverte: 15 sont venus renforcer la flotte de la compagnie depuis le début de l’année et 17 devraient s’y ajouter d’ici décembre, un nombre « important » par rapport à d’autres années.
– Flotte plus grande –
La livraison dans les années à venir de ces nouvelles capacités de transport ne devrait pas noyer l’offre des armateurs, souligne M. Murphy, ni faire baisser les coûts.
Selon l’analyste de Sea Intelligence, les nouvelles législations environnementales contribuent même à encourager le besoin d’une flotte plus nombreuse.
La limitation de la vitesse des navires, mesure défendue par la France au sein de l’Organisation maritime internationale (OMI), engendre le besoin de nouveaux navires pour maintenir les rotations ne serait-ce qu’à un niveau identique.
L’installation de réservoirs destinés aux carburants alternatifs, dont les émissions sont moins polluantes, contribue à diminuer la capacité d’emport des navires.
Il faudra également remplacer ceux dont la démolition programmée a été retardée pour répondre à la demande actuelle.
Selon Banchero Costa, l’année 2021 pourrait être une des trois années les plus faibles depuis 2011 en nombre de navires mis à la retraite, et 2023 parmi les trois plus fortes.