Depuis novembre, les attaques des rebelles yéménites houthis contre la marine marchande perturbent le trafic dans cette zone maritime essentielle pour le commerce mondial, où les armées américaines et britanniques ont multiplié les opérations militaires ces dernières semaines.
« Alors que la situation sécuritaire en mer Rouge continue de se dégrader, le Programme alimentaire mondial (PAM) fait face à une hausse des coûts de transports ainsi qu’à des retards de livraison potentiels », a alerté cette semaine l’agence onusienne.
« La situation en matière de sécurité alimentaire devrait se détériorer au cours des prochains mois », a-t-elle écrit dans un rapport, rappelant que Yémen importait 90% de ses besoins alimentaires.
– Aliments et carburants –
Le Yémen est depuis 2014 en proie à une guerre civile opposant le gouvernement aux rebelles houthis proches de l’Iran, qui a fait des centaines de milliers de morts et provoqué l’une des pires crises humanitaires au monde, selon l’ONU.
Le conflit s’est internationalisé en 2015 avec l’entrée sur le front d’une coalition militaire menée par l’Arabie saoudite, en soutien au gouvernement du pays le plus pauvre de la péninsule arabique.
En s’attaquant aux navires au large du Yémen, en « solidarité » avec les Palestiniens de la bande de Gaza en proie à la guerre entre Israël et le Hamas, les rebelles ont fait grimper les primes d’assurance maritime, et poussé certains armateurs à contourner la mer Rouge, au prix d’un long et coûteux détour.
Le PAM, l’une des organisations les plus actives dans le pays, dit ainsi subir « une augmentation des coûts de fret et d’assurance, et des frais supplémentaires de carburant », sans préciser l’itinéraire emprunté par les navires d’aides.
L’organisation International Rescue Committee (IRC) affirme pour sa part avoir « constaté des retards dans l’acheminement de produits de première nécessité, y compris les produits pharmaceutiques », ainsi qu’une hausse des prix des produits alimentaires et du carburant sur le marché local.
Les opérations de l’ONG n’ont pas été affectées pour le moment grâce aux stocks existants, mais « si la situation en mer Rouge s’aggrave, la capacité des organisations humanitaires, comme l’IRC, à fournir une aide humanitaire, pourrait être affectée », prévient Anya Cowley, coordinatrice de la politique, du plaidoyer et de la communication de l’IRC pour le Yémen.
– Sanctions américaines –
Autre conséquence des attaques en mer Rouge, et source d’inquiétude pour les acteurs humanitaires: les Houthis ont été à nouveau classés le mois dernier comme une entité terroriste par les Etats-Unis.
Les sanctions associées à cette désignation, qui doivent entrer en vigueur le 16 février, risquent de compliquer la tâche des organisations d’aides, déjà confrontées à une pénurie de financement. Washington a toutefois promis d’en atténuer l’impact sur la population.
« Nous avons vu dans des cas précédents que les exemptions humanitaires sont essentielles pour permettre la poursuite de la fourniture de l’aide », souligne Dalila Mahdawi, responsable de la communication du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour le Yémen.
« Nous espérons que cela sera également le cas dans cette situation », poursuit-elle, soulignant que la crise humanitaire au Yémen était « plus grave que jamais ».
Les Nations unies et leurs partenaires ont lancé la semaine dernière un appel pour récolter quatre milliards de dollars pour le Yémen, alors que plusieurs organisations ont dû réduire ces derniers mois leurs opérations dans le pays, faute de fonds.
Le pays « connaît des taux de malnutrition parmi les plus élevés jamais enregistrés », a souligné le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha), estimant que « 17,6 millions de personnes seront confrontées à une insécurité alimentaire aiguë en 2024 ».