Aux Shetland, les pêcheurs espèrent renaître grâce au Brexit

Capitaine de l’Adenia, chalutier long de 70 mètres, George Anderson, 59 ans, a voté pour le Brexit. Pour lui, comme pour les autres pêcheurs de Lerwick, dans l’extrême nord de l’Ecosse, ce choix relevait d’une « évidence ».

« Nous n’avions qu’une seule option: reprendre le contrôle de notre destin », lâche-t-il, assis sur le siège de sa cabine high-tech, dans le port de Lerwick balayé par les vents de la mer du Nord.

L’homme défend la pêche, « un bon boulot ». « Sortir chasser les poissons, les attraper, les ramener à terre puis s’occuper de sa famille. Le seul hic, ce sont les quotas de pêche. Le gouvernement a lâché beaucoup de poissons », déplore-t-il.

Avec l’archipel des Hébrides extérieures, les îles Shetland, à 200 kilomètres des côtes du nord de l’Ecosse, furent le seul comté britannique à voter pour une sortie du Royaume-Uni de la Communauté économique européenne (CEE) lors du référendum de 1975.

Car à l’entrée du pays dans la CEE, en 1973, les pêcheurs locaux subissent les effets conjugués de l’intégration européenne et du développement concomitant de l’industrie pétrolière.

– ‘Plus que quelques bateaux’ –

Certains partent travailler dans les raffineries, tandis que ceux restés en mer voient des chalutiers d’autres pays européens venir pêcher dans leurs eaux. La surpêche entame alors les réserves de poissons et, dans la foulée, les quotas mis en place par Bruxelles mettent sur la touche bien des pêcheurs locaux.

« Aujourd’hui, il ne reste plus que quelques bateaux », lâche, amer, George Anderson, dont les trois fils travaillent à bord du même chalutier. « Nous avions une belle flotte à l’époque, espérons qu’elle renaisse en partie! ».

Gary Leask, 38 ans, est capitaine du Krestel, un bateau de pêche aux crustacés. Contrairement à George Anderson, dont tous les camarades de classe ont fini pêcheurs, sa génération a eu le choix entre la pêche et l’or noir, découvert au début des années 1970 au large de l’archipel.

« Le pétrole, c’était la garantie d’avoir un bon salaire, se remémore-t-il, alors qu’avec la pêche on dépend de la météo et des réserves de poissons. »

A la sortie de l’école, trente de ses camarades ont poursuivi dans la pêche. Seuls trois en vivent toujours. « Les autres sont partis dans le pétrole ou d’autres industries, c’est dommage », lâche-t-il.

– ‘Sacrifiable’ –

Pour autant, un cinquième de la population active locale travaille encore dans l’aquaculture, et l’industrie génère le tiers des richesses de l’archipel.

Malgré leur scepticisme initial vis-à-vis de l’Europe, 56% des habitants ont voté pour rester dans l’UE, moins que la moyenne des Ecossais (62%), mais à rebours des Britanniques, qui ont voté à 52% pour sortir du bloc.

Aux Shetland, certains gardent en travers de la gorge une note rédigée par le gouvernement britannique lors des négociations d’entrée dans la CEE — et révélée trente ans plus tard — affirmant que la pêche « doit être considérée comme potentiellement sacrifiable ».

A l’approche des négociations de sortie du Royaume-Uni de l’UE, les pêcheurs redoutent d’être à nouveau victimes d’un accord entre Londres et Bruxelles qui leur serait défavorable. « C’est notre grande peur », affirme Simon Collins, un responsable de l’Association des pêcheurs des Shetland. « La plaie est toujours béante. »

D’autant que Fergus Ewing, le ministre écossais des Affaires rurales, a prévenu que la Première ministre Theresa May pourrait être tentée d’offrir un accès aux eaux territoriales britanniques aux autres pays européens en échange d’une contrepartie. « Nous devrions avoir un gouvernement écossais indépendant, capable de faire front pour les pêcheurs et leurs intérêts », a-t-il dit.

Un porte-parole du gouvernement britannique lui a répondu en affirmant que le Brexit était au contraire une « opportunité » de fixer de nouveaux quotas de pêche justes. Et, pour l’avenir de l’économie locale, de s’assurer de la durabilité des stocks de poissons.

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