Biodiversité: un texte-clé du Pacte vert joue sa survie au Parlement européen

Bruxelles, 10 juil 2023 (AFP) – Les eurodéputés votent mercredi pour rejeter ou pas une loi sur la restauration des écosystèmes, texte-phare du Pacte vert de l’UE devenu l’emblème d’une bataille politique à un an des élections européennes.

Cette législation imposerait aux Etats des objectifs contraignants de restauration des terres et espaces marins abîmés par la pollution ou l’exploitation intensive, pour préserver la biodiversité dans la lignée de l’accord de Montréal.

Fait exceptionnel, le Parti populaire européen (PPE, droite), première force au Parlement de Strasbourg, réclame le rejet complet du texte, mettant en avant l’impact potentiel pour l’agriculture, la pêche ou les énergies renouvelables.

La gauche et le centre dénoncent, eux, une posture électoraliste en vue du scrutin de juin 2024.

Faute d’entente en commission parlementaire, l’ensemble des eurodéputés se prononceront en plénière sur une motion de rejet visant la loi « restauration de la nature ».

« Il n’y a pas d’autre choix, la proposition sur la table est tellement mauvaise », tranche l’eurodéputé allemand Peter Liese (PPE), ex-rapporteur de l’ambitieuse réforme du marché du carbone.

Si l’essentiel du plan climat de l’UE est désormais adopté, le PPE résiste sur le reste du Pacte vert et exige notamment le retrait d’un autre texte réduisant drastiquement l’usage des pesticides.

« Nous courons le risque de trop légiférer », a prévenu M. Liese, en écho aux appels de plusieurs dirigeants européens à une « pause réglementaire » sur l’environnement.

– « Cela se jouera à quelque voix » –

Si ce rejet est entériné mercredi, la présidente du Parlement devra demander à Bruxelles de retirer formellement son texte.

« Ce serait +game over+. Personne ne sortira un projet alternatif d’ici les élections », souligne Pascal Canfin, président (Renew, libéraux) de la commission Environnement. Un électrochoc qui plomberait les discussions sur d’autres législations vertes.

Une partie des élus PPE pourraient s’abstenir, mais le groupe Renew est lui-même divisé, avec un tiers d’élus opposés au texte. « Cela se jouera à quelque voix », estime M. Canfin.

Si la motion de rejet n’est pas approuvée, les eurodéputés examineront un compromis correspondant exactement à la position commune des Etats membres, adoptée le 20 juin par les ministres de l’Environnement.

Un choix « pragmatique » de Renew: partir de cette position adoptée par vingt Etats sur 27, et approuvée par une majorité des gouvernements contrôlés par le PPE, pourrait convaincre les eurodéputés conservateurs hésitants.

Suivraient les votes sur une centaine d’amendements, visant à amoindrir ou renforcer les dispositions du texte.

Le Parlement déterminerait ainsi sa position en vue des négociations avec les Etats pour finaliser le texte. « L’ambition pourrait être très profondément affaiblie, mais ce sera mieux que rien », estime Pascal Canfin.

– « Trumpisme européen » –

Le président de la commission Environnement dénonce « une position totalement idéologique, une opération politicienne » de Manfred Weber, chef du PPE, et fustige le rapprochement avec l’extrême droite (ID) et les eurosceptiques (ECR) dans un « trumpisme européen naturo-sceptique ».

« C’est caricatural! Le débat est légitime et nécessaire (…) Faire baisser la production agricole est criminel, cela met en danger notre résilience alimentaire », rétorque François-Xavier Bellamy (PPE), en référence à l’objectif de zones « à haute diversité » sur 10% des surfaces agricoles.

Selon le texte, cet objectif à l’échelle de l’UE (non par ferme) est pourtant simplement indicatif et peut être rempli via des haies, rotations de cultures ou plantations d’arbres fruitiers.

Autres inquiétudes brandies par le PPE: la loi interdirait tout ramassage du bois mort au risque d’alimenter les feux de forêts, ou paralyserait les installations d’énergies renouvelables, menaçant notamment l’hydroélectrique au nom de la « continuité fluviale ».

Autant d’allégations réfutées en bloc par la Commission et les groupes parlementaires défendant le texte.

Outre ONG et scientifiques, les fédérations de l’éolien et du solaire et d’importants industriels (Nestlé, Ikea, Unilever, H&M, Coca-Cola, Danone…) expriment aussi leur soutien au projet de loi.

Face au PPE, « la substance ne compte plus, c’est Don Quichotte combattant ses moulins à vent, des mythes et contre-vérités qui n’ont jamais figuré dans la proposition », soupire l’élu socialiste Mohammed Chahim.

« La campagne électorale commence aux dépens de la nature mais aussi des agriculteurs, pour qui le grand danger demeure la crise de la biodiversité », insiste-t-il, s’agaçant du silence de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, elle-même membre du PPE.

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