Boues rouges: avis de tempête sur le parc national des Calanques

« Nous vous engageons à dire non à cette demande », militait encore mercredi à Marseille, le professeur Henri Augier porte-parole du collectif Littoral, qui regroupe une cinquantaine d’associations hostiles au projet de l’industriel et demande aux habitants des 27 communes concernées par l’enquête publique de s’exprimer avant la clôture de cette consultation, le 25 septembre. Une pétition a déjà recueilli plus de 15.000 signatures.

Il y a un an, à la surprise générale, le conseil d’administration du parc avait rendu un avis favorable à la demande de renouvellement de l’autorisation dérogatoire, pour les 30 prochaines années, présentée par l’usine Alteo de Gardanne. Ce site produit de l’alumine à partir de bauxite du Niger.

La ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, était immédiatement montée au créneau : « Cet avis ne saurait tenir lieu d’autorisation de rejet en mer pour le site Alteo, qui ne peut être délivrée que par le préfet, au nom de la ministre, au terme d’une instruction menée par les services de l’État », avait-elle affirmé.

« C’est aberrant, scandaleux de vouloir continuer des rejets dans un parc national », s’emporte Henri Augier, ancien directeur aujourd’hui à la retraite du laboratoire de biologie marine de la faculté de Marseille-Luminy, lors d’une ultime réunion publique du collectif mercredi.

Cet éminent océanographe détaille les polluants issus de la production d’alumine, la soude, l’arsenic, les métaux lourds, qu’Altéo souhaite pouvoir continuer à déverser.

-« le canyon, c’était un poumon »-

Le site de production, propriété depuis 2012 du fonds d’investissement américain HIG après son rachat à Péchiney et au géant minier anglo-australien Rio Tinto, prévoit simplement de débarrasser les effluents de leur partie solide, les fameuses boues rouges.

« De l’eau claire n’est pas forcément de l’eau propre », s’emporte un autre membre du collectif, le représentant des pêcheurs Gérard Carrodano, pêcheur et premier prud’homme de la Ciotat, affirmant que les teneurs en polluants seront largement au dessus des normes, selon les chiffres d’Altéo.

En cinquante ans d’activité, plus de 20 millions de tonnes de boues rouges ont été déversées sur les fonds marins de la fosse de Cassidaigne par une canalisation ou émissaire débouchant à 7 km au large de Cassis.

« Avant le canyon (de Cassidaigne, NDLR), c’était un poumon, maintenant c’est la lune », regrette encore le pêcheur.

« Ce serait une jurisprudence désastreuse pour l’ensemble des parcs et des aires marines protégées », poursuit le pêcheur, également vice-président du comité régional des pêches de Paca, qui exige que l’on ne renouvelle pas « cette autorisation à polluer » lorsque qu’elle arrivera à son terme le 31 décembre.

Si les calanques ont longtemps abrité les usines polluantes de Marseille, cette zone majestueuse de reliefs escarpés plongeant dans la mer, depuis 2012, est devenue un parc national marin, le tout premier de France.

Mardi, le Conseil de développement de Marseille Provence Métropole (MPM), composé de membres de la société civile, s’est prononcé pour limiter l’autorisation dans le temps, proposant de la ramener à 5 ans. Une période qui pourra « être mise à profit pour que les scientifiques puissent travailler à la recherche d’une solution conforme au respect de toutes les normes environnementales », indique le Conseil.

« Si au bout de cinq ans, il n’y a pas d’assurance qu’il n’y a plus de pollution, il n’y aura plus de dérogation », a indiqué Jean-Louis Tixier, le président du conseil, ajoutant qu’une « une autorisation de 30 ans serait irresponsable ».

Mais ce « jugement de Salomon », est loin de satisfaire les membres du collectif Littoral qui promettent d’organiser des manifestations si une nouvelle autorisation est délivrée et annoncent surtout un recours en justice contre « une dérogation illégale », selon eux, en vertu notamment de la convention de Barcelone (1976, qui vise à diminuer la pollution en Méditerranée) et des normes européennes sur les aires marines protégées .

hj/cr/pb

RIO TINTO PLC

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