En marge des assises de la pêche à Nice, le vice-président du conseil départemental du Finistère estime que l’urgence est « de faire en sorte que les marins puissent sortir en mer », ce qui « passe obligatoirement par une aide au carburant ».
Question: quel est l’impact de la hausse du carburant dans votre territoire?
Réponse: « L’annonce de la fin de l’aide au gazole, c’est la fin du Pays bigouden. On est mort. La pêche hauturière représente 86% des poissons débarqués dans nos ports et vendus sur les criées. C’est la colonne vertébrale de l’économie locale.
On est pris dans un effet ciseau, entre le prix exorbitant du carburant et un cours du poisson historiquement bas, essentiellement à cause d’une baisse de consommation due à l’inflation.
Il faut comprendre que le patron de pêche ne fixe pas le prix de vente. Le poisson est vendu aux enchères en criée. Quand les enchères sont en baisse constante et que les prix du carburant ne cessent d’augmenter, sa trésorerie passe non plus au rouge mais au noir.
Les pêcheurs sont payés à la part. On fait le compte des ventes, on déduit les charges et on partage le reste: deux parts pour le patron de pêche, une pour chaque matelot.
A 70 centimes le litre, on équilibre, à 90 centimes, on n’est pas sorti du port qu’on a déjà perdu de l’argent ».
Q: Pourquoi est-ce si dur dans le Finistère?
R: « Le Pays bigouden sud, c’est douze communes, 40.000 habitants l’hiver et 3.000 emplois liés à la pêche, entre marins, mareyeurs, transporteurs, etc.
Sur les plus de 90 bateaux partis à la casse après le Brexit, on en a 26 sur nos trois ports: Loctudy, le Guilvinec, Saint-Guénolé. Depuis, on a 40% de poisson en moins qui arrive en criée.
Avant le Brexit, le Guilvinec était la première place de la pêche fraîche française et le premier port de pêche artisanale. Ce qui a disparu, c’est une partie de la souveraineté alimentaire française.
Le Brexit nous a mis un genou à terre. La fin de l’aide au gazole, c’est le coup de glaive pour nous achever ».
Q: Quelle est l’urgence pour vous?
R: « L’urgence c’est de ne pas casser la filière: de faire en sorte que les marins puissent sortir en mer. Cela passe obligatoirement par une aide au carburant.
L’Espagne continue bien à soutenir ses pêcheurs [une ristourne de 20 centimes par litre de carburant a été maintenue en 2023 pour les transporteurs, les agriculteurs et les pêcheurs, NDLR].
Dans le même temps, la filière doit engager la transition écologique. Mais rien n’est prêt: la décarbonation, ce n’est pas possible tant qu’on n’a pas de moteur à hydrogène, ce qui va prendre une dizaine d’années.
Ensuite, on a depuis 20 ans un problème de jauge (puissance), du fait des règles européennes qui empêchent de modifier la jauge d’un bateau que l’on remplace. Quand les bateaux pourront être plus grands, on pourra modifier les carènes, installer des moteurs hybrides plus puissants et les utiliser pour les chalutiers.
Aujourd’hui, on en appelle au président de la République. On importe déjà plus de 70% du poisson consommé en France. Et pourtant la ressource est là ».