Brexit: Girardin veut indemniser les navires restant à quai, déception des pêcheurs

Saint-Pol-de-Léon (France), 18 nov 2021 (AFP) – La ministre de la mer Annick Girardin a évoqué un plan d’indemnisation pour certains pêcheurs victimes du Brexit, déclenchant la colère des professionnels qui attendent surtout davantage de licences pour leurs navires.

Face aux difficultés pour obtenir des droits de pêche, notamment de la part des autorités de l’île anglo-normande de Jersey, Mme Girardin a annoncé jeudi la préparation de « plans de sortie de flotte » pour indemniser les pêcheurs dont les navires resteront in fine à quai.

L’annonce a fait l’effet d’une bombe aux assises de la mer organisées à Saint-Pol-de-Léon (Finistère), où élus locaux et professionnels ont immédiatement rejeté l’hypothèse d’un « plan massif de destruction des bateaux » pendant que les négociations se poursuivent avec Londres.

Alors que la France a déjà revu à la baisse ses exigences, élaguant au fil des semaines le nombre de licences de pêche demandées, les professionnels ont le sentiment d’un renoncement.

« C’est d’une visibilité dont vous avez besoin. Je vais donc être franche avec vous, il nous faut nous préparer à ces pertes », leur a déclaré la ministre dans la matinée.

« Sans préjuger des suites de la négociation, j’ai demandé à la DPMA (Direction des pêches) de me proposer, en relation avec les professionnels, une estimation des plans de sortie de flotte que je pourrais financer », a-t-elle annoncé.

Elle a précisé qu' »une enveloppe de 40 à 60 millions d’euros » pourrait « être mise sur la table ». Ces fonds, provenant d’une enveloppe européenne destinée à accompagner les conséquences du Brexit, serviront notamment à indemniser les pêcheurs dont les navires ne pourront pas être repris et finiront à la casse.

– « Bras de fer » –

« Le bras de fer n’est pas perdu, la négociation n’est pas terminée (…). Je ne peux pas entendre qu’on s’embarque dans un plan massif de destruction de bateaux », a déploré auprès de la presse le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard.

Très remonté, le président du comité régional des pêches de Bretagne Olivier Le Nezet a estimé qu’une telle enveloppe pourrait correspondre à l’indemnisation d' »une centaine de bateaux ». « Quel message envoie le gouvernement? Ce message dit qu’il vaut mieux être en dehors de l’Europe que dedans », a-t-il déclaré à l’AFP.

En vertu de l’accord de Brexit signé fin 2020 entre Londres et Bruxelles, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu’ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir.

Dans les zones encore disputées, les gouvernements de Londres et des îles anglo-normandes ont accordé à ce jour près de 220 licences définitives. La France réclame encore quelque 150 licences (contre 170 il y a un mois), selon un décompte de l’AFP.

Désireux de voir la situation se débloquer, Paris a ciblé « en priorité » quelques dizaines de dossiers: ceux des navires dont la survie économique dépend largement de l’accès aux eaux britanniques.

Jeudi, Mme Girardin a fait état d’avancées, notamment avec l’île anglo-normande de Guernesey, « qui a toujours été un partenaire fiable » et devrait octroyer « une quarantaine de licences définitives d’ici le début du mois de décembre ».

Mais le compte n’y est toujours pas et elle a vigoureusement dénoncé l’attitude de l’île voisine, jugeant « évident que Jersey ne respecte pas l’accord Brexit ». « Pire, il démontre une non-volonté de coopérer avec nous », a-t-elle dit, rappelant que 46 demandes d’autorisation étaient encore sans réponse et que 52 licences avaient expiré le 31 octobre.

Environ un quart des prises françaises (hors Méditerranée) en volume (environ 20% en valeur) proviennent des eaux britanniques, très poissonneuses et qui sont à l’origine de 650 millions d’euros de ventes annuelles pour les pêcheurs européens.

Alors que des dizaines de licences provisoires expiraient fin septembre, la France avait durci le ton, annonçant des sanctions, notamment une interdiction de débarque pour les bateaux britanniques et des contrôles douaniers renforcés, si aucun progrès n’était fait.

La menace s’était finalement éloignée, après une série de rencontres, y compris entre le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Boris Johnson, mais la crise tend à s’enliser.

Les discussions, qui se poursuivaient jeudi à Bruxelles, achoppent notamment sur la question des navires de remplacement, des bateaux neufs acquis récemment par les pêcheurs français pour renouveler leur flotte, a-t-on indiqué dans l’entourage de la ministre.

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