Budget: pourquoi des géants économiques pourraient échapper à la « participation au redressement »

Paris, 16 oct 2024 (AFP) – Peut-on réaliser des milliards d’euros de chiffre d’affaires sans faire partie des 400 « grandes entreprises » concernées par l’appel à redresser les finances publiques? A priori oui, la contribution exceptionnelle ne concernant que marginalement les modèles coopératifs, puissants dans l’agroindustrie et la grande distribution.

Le secteur de la grande distribution a protesté lundi contre le « matraquage fiscal organisé par le gouvernement Barnier », via la principale organisation du secteur, la Fédération du commerce et de la distribution (FCD).

Mais, en son sein, tous ne sont pas logés à la même enseigne. Le leader de ce secteur réalisant au global plus de 220 milliards d’euros de chiffre d’affaires, E.Leclerc par exemple, est organisé en coopérative.

L’enseigne détient près du quart du marché des achats en grande surface, soit près de 60 milliards d’euros de ventes annuelles dans ses plus de 700 magasins. Mais elle est organisée en plusieurs centaines de sociétés indépendantes (magasins ou producteurs agroalimentaires), avec à leur tête près de 600 patrons adhérents.

Aucune d’entre elles ne réalise plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, sauf exception comme la filiale d’abattoirs bretonne Kermené, qui a réalisé en 2023 1,3 milliard d’euros de ventes.

Le médiatique représentant de l’enseigne Michel-Edouard Leclerc n’a d’ailleurs pas directement répondu au Journal du Dimanche quand il lui a été demandé si E.Leclerc serait concerné par la taxe, se bornant à regretter que « la France pratique déjà une fiscalité très lourde ».

Autant dire qu’il y a un peu de jalousie chez certains concurrents dits intégrés, c’est-à-dire les enseignes qui comme Carrefour, Leroy Merlin ou Decathlon dans le non-alimentaire, exploitent directement tout ou partie des magasins sous leurs couleurs, comme l’a relevé récemment le quotidien Les Echos.

Les Mousquetaires/Intermarché, 3e distributeur français et organisé selon un modèle un peu semblable à celui de Leclerc, « sera concerné » par la taxe temporaire, ayant « plusieurs sociétés dépassant le seuil » du milliard d’euros, selon la direction. Mais cela ne sera pas massif.

Et chez Coopérative U, 4e distributeur français, on attend prudemment la conclusion des débats parlementaires pour s’exprimer.

« La nature même de l’impôt est de taxer une personne morale autonome, pas de créer un paquet fiscal composé de sociétés indépendantes comme si toutes étaient une seule et même entreprise », rappelle auprès de l’AFP Olivier Urrutia, délégué général de la Fédération professionnelle du commerce coopératif (FCA), dont Leclerc, Les Mousquetaires et Leclerc sont adhérents.

La spécificité va dans le sens inverse, plaide-t-il: « Un magasin indépendant en déficit ne fait pas, lors de la consolidation des comptes, +bénéficier+ le groupement d’une réduction d’impôt, ce qui est en revanche le cas d’une entreprise intégrée ».

La spécificité du modèle coopératif n’existe pas que dans la distribution. De nombreuses marques présentes dans les rayonnages des supermarchés appartiennent à des coopératives agricoles.

Elles se nomment Sodiaal (Candia, Entremont, Yoplait…), Agrial (Soignon, Florette, Breizh Cola ou Loic Raison…), Terrena (Père Dodu, La nouvelle agriculture, Douce France…) ou Cooperl (Brocéliande, Madrange, Montagne Noire…).

Or, les coopératives agricoles sont par statut exemptées d’impôts sur les sociétés même si elles sont bénéficiaires.

« Les coopératives paient de l’impôt sur les sociétés, tout en ayant une partie d’activité exonérée », nuance auprès de l’AFP la Coopération agricole, organisation défendant les intérêts du secteur. Notamment si elles ont racheté des entreprises n’ayant pas le statut de coopératives agricoles.

Les 25 coopératives dépassant le milliard d’euros de chiffre d’affaires « seront, comme les autres, soumises à la contribution exceptionnelle si elles atteignent les seuils exprimés en chiffre d’affaires », assure la même source.

La contribution temporaire correspond à 20,6% de l’impôt sur les sociétés dû au titre de 2024 pour les entreprises dont le chiffre d’affaires va d’un milliard d’euros à moins de trois milliards d’euros, et à 41,2% de cet impôt pour celles qui atteignent ou dépassent trois milliards d’euros de chiffre d’affaires, selon le projet de budget pour 2025, qui va être soumis dans les prochains jours au débat parlementaire.

cda-myl/abb/spi

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