Forts d’études et d’analyses, ils affirment que ces rejets constituent une menace directe pour la santé et l’environnement et vont crier leur colère samedi devant la préfecture des Bouches-du-Rhône, qui a délivré en décembre « un permis de polluer » de six ans, un comble dans un parc naturel, disent-ils.
En cinquante ans d’activité, le site de Gardanne (Bouches-du-Rhône) de production d’alumine à partir de bauxite importée du Niger -propriété depuis 2012 du fonds d’investissement américain HIG après son rachat à Péchiney et au géant minier « anglo-australien Rio Tinto- a déversé plus de 20 millions de tonnes de boues rouges sur les fonds marins de la fosse de Cassidaigne, en plein coeur du Parc national des Calanques.
« Ce qui est impardonnable, c’est que le conseil scientifique du Parc a donné, il y a plus d’un an, son feu vert pour trente ans », tempête le professeur Henri Augier, ancien directeur, aujourd’hui à la retraite, du laboratoire de biologie marine de la faculté de Marseille-Luminy, et à la tête d’une associations d’usagers (Union Calanques littoral) de ce site majestueux aux portes de Marseille dont les massifs de calcaire blanc aux reliefs escarpés plongent dans la mer.
Aujourd’hui, une cinquantaine d’associations, des riverains de 27 communes, des pêcheurs professionnels, et une poignée de femmes et d’hommes politiques, se battent contre « le déni de démocratie », disent-ils, qui a conduit le préfet à délivrer pour six ans l’autorisation de rejeter en mer ces effluents industriels.
Une pétition en ligne adressée au préfet a recueilli en un mois plus de 107.000 signatures (www.change.org/p/interdire-les-rejets-toxiques-dans-le-parc-national-des-calanques-bouesrouges).
Les militants estiment que « le chantage à l’emploi » -l’usine de Gardanne emploie 400 salariés et 300 sous-traitants- a conduit le Premier ministre à ignorer la position de la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, qui s’était prononcée contre la poursuite des rejets.
– « dauphins morts »-
Pourtant, le caractère toxique de certains des polluants qui continueront à être déversés est indiscutable, estime le professeur Augier, détaillant notamment la présence de soude, d’aluminium, d’arsenic, de bore, de cadnium ou de mercure, dont plusieurs sont également « des perturbateurs endocriniens, neurologiques ou sanguins ».
« Dans mon labo, nous avons, pendant des années, recueilli des dauphins morts et on observait à l’autopsie des polluants en doses excessives sur des animaux qui sont en bout de chaîne alimentaire (ils concentrent ainsi les produits toxiques, NDLR) », affirme le scientifique.
Alteo assure au contraire que « le nouveau procédé d’exploitation du site de Gardanne aboutit à la réduction du flux de métaux rejeté de plus de 99% et constitue en cela une amélioration environnementale et industrielle majeure » grâce à l’utilisation d’un filtre-presse pour retenir les fameuse boues pour les stocker en vue de leur valorisation. « Il n’y a plus depuis le 1er janvier 2016 de rejet de boues rouges en mer », affirme l’industriel.
Faux, répond Alain Matesi, un ingénieur, spécialiste du traitement des eaux, affirmant que le nouveau process qui permet aujourd’hui de rejeter un liquide incolore, n’est qu’un « prétraitement ». « L’industriel s’est contenté de les débarrasser de leur partie solide sans traiter », souligne-t-il.
Alain Matesi craint que sous cette forme, le rejet soit encore plus dangereux : « si on reprend l’argument de l’industriel, il y a 20 ans, on nous disait que les boues rouges étaient inertes (emprisonnant les polluants, NDLR). Maintenant cet effluent plus léger risquent de remonter et de se répandre sur les plages ».
Le géographe, Olivier Dubuquoy, ne comprend pas que l’on puisse autoriser la pollution d’une zone classée en 2012 Parc national. « L’arrêté préfectoral permet de rejeter des produits toxiques en infraction notamment avec la convention de Barcelone (1976, qui vise à diminuer la pollution en Méditerranée) », explique-t-il, ce qui fait courir un « risque juridique » au statut de parc.
L’Union calanques littoral va déposer devant le tribunal administratif un référé pour suspendre l’arrêté préfectoral tandis qu’Olivier Dubuquoy a introduit un recours auprès de la ministre de l’Environnement.