Le micro-État de près de 340.000 habitants a plongé ces derniers jours dans le chaos politique, après que la haute juridiction eut infligé un camouflet au régime maldivien en cassant les condamnations de neuf éminents opposants.
Refusant d’appliquer l’arrêt, le gouvernement a décrété l’état d’urgence, fait arrêter deux juges de la Cour suprême et obtenu mardi soir des trois magistrats restants de l’institution qu’ils reviennent sur leur décision.
L’opposition en exil, rassemblée derrière l’ex-chef de l’État Mohamed Nasheed, a appelé à une intervention militaire indienne et un blocage financier américain pour renverser le pouvoir en place.
Face à la volatilité de la situation, nombre de pays – dont la France, la Chine et l’Inde – ont déconseillé à leurs ressortissants de se rendre dans l’archipel, dont l’image est associée aux plages paradisiaques de sable blanc et à la mer bleu turquoise.
Si New Delhi s’est dite « perturbée » par les nouvelles en provenance de Malé, la capitale indienne ne semblait pas envisager d’action musclée, selon la presse locale de mercredi. En 1988, dans le cadre de l' »opération Cactus », elle avait dépêché des troupes pour faire échouer une tentative de coup d’État contre l’autocrate Maumoon Abdul Gayoom.
Ce dernier, demi-frère du président Yameen et qui a dirigé l’ex-protectorat britannique d’une main de fer entre 1978 et 2008, a été arrêté lundi. Depuis peu brouillé avec le président, il s’est rallié l’année dernière à la dissidence.
Le Parlement, où l’opposition détient désormais la majorité sur le papier, est lui suspendu.
– ‘Purge’ –
L’instauration de l’état d’urgence vient renforcer les pouvoirs déjà très vastes des forces de sécurité pour arrêter et maintenir en détention des suspects. Amnesty International a dénoncé une « purge ».
« Le président Yameen a illégalement décrété la loi martiale et s’est emparé de l’État », a pour sa part estimé Mohamed Nasheed, président de 2008 à 2012 et qui vit entre la Grande-Bretagne et le Sri Lanka pour échapper à une peine de 13 ans de prison pour « terrorisme ».
Dans une allocution télévisée mardi, Abdulla Yameen a justifié son coup de force par l’existence d’une « conspiration » qui le menacerait.
« J’étais dans l’obligation de décréter l’état d’urgence car il n’y avait aucun autre moyen d’enquêter sur ces juges. Nous devions d’abord suspendre leur autorité et leur immunité. Car nous devions découvrir jusqu’où va la conspiration ou le coup » d’État, a fait valoir le président de cette république sunnite.
L’opposition soutient que le pouvoir en place « vend » le pays à la Chine, qui y investit massivement et a récemment signé un accord de libre-échange, ainsi que de laisser proliférer l’islamisme.
« La Chine s’est toujours tenue de ne pas intervenir dans les affaires intérieures d’autres pays », a déclaré mercredi le ministère des affaires étrangères chinois en réponse aux accusations de protection du président Yameen.
La Cour suprême maldivienne avait annulé jeudi des condamnations des neuf opposants, dont l’emblématique Mohamed Nasheed, en estimant que celles-ci étaient d’une « nature contestable et avaient des motivations politiques ». Elle avait ordonné la tenue de nouveaux procès.
Depuis son élection controversée en 2013, Abdulla Yameen mène une répression féroce contre ses détracteurs ou ses alliés tombés en disgrâce. Du coup, la plupart de l’opposition est soit en exil, soit derrière les barreaux, et la société civile muselée.