Que s’est-il passé?
Le porte-conteneur géant Ever Given, qui se rendait de Yantian (Chine) à Rotterdam, s’est échoué mardi en travers du canal. Il venait de s’engager dans la voie d’eau, venant de la mer Rouge au sud, et a souffert d’un « manque de visibilité », la société évoquant un vent de sable, phénomène courant en Egypte à cette période.
Certains observateurs interrogés par l’AFP pensent que le navire de l’armateur coréen Evergreen devrait être dégagé en quelques heures, mais le trafic maritime pourrait être affecté pendant quelques jours.
Des dizaines de navires étaient bloqués derrière, mais le tronçon historique du canal, situé dans la partie centrale de la voie d’eau, a pu être rouvert dans les deux sens de navigation et les navires venus de Méditerranée pouvaient de nouveau descendre le canal vers le sud, selon une source à l’Autorité égyptienne du Canal de Suez (SCA).
Le courtier Braemar a toutefois prévenu que « si les remorqueurs n’arrivaient pas à dégager le bâtiment, il était possible que les conteneurs doivent être enlevés au moyen de grues pour (l’)alléger », ce qui prendrait « des jours, voire des semaines ».
Pourquoi le canal de Suez est-il important?
Inauguré en 1869, le canal a depuis connu plusieurs phases d’agrandissement et de modernisation afin d’accompagner les évolutions du commerce maritime.
Trait d’union entre l’Asie et l’Europe, il réduit drastiquement les distances: 6.000 km de moins entre Singapour et Rotterdam par exemple, soit une à deux semaines de temps de trajet gagné, par rapport au contournement de l’Afrique.
C’est un axe « absolument critique », parce que « tout le trafic qui arrive d’Asie passe par le canal de Suez. S’il ne passe pas par ce canal, il faut qu’il passe par Bonne-Espérance », soit le long détour au sud de l’Afrique, explique à l’AFP Camille Egloff, spécialiste du transport maritime au Boston Consulting Group.
Un nouvel élargissement, inauguré en 2015, a permis d’accueillir des plus gros bateaux, comme celui qui s’est échoué mardi. De nouveaux travaux doivent permettre d’en doubler la capacité d’ici 2023, avec une centaine de navires par jour, contre une cinquantaine actuellement.
Le canal voit passer, selon les experts, près de 10% du commerce maritime international.
Faut-il craindre des pénuries?
Même si le trafic est momentanément ralenti, le risque est faible.
« Il y a quand même des stocks qui existent. Si on regarde l’approvisionnement de pétrole, c’est uniquement celui qui arrive du Moyen-Orient et on a d’autres sources d’approvisionnement », relativise Mme Egloff.
Pour Braemar, un temps de transit allongé « sera problématique pour le fret déjà en route, mais l’allongement des distances pourra être compensée à plus long terme par des commandes anticipées ».
L’effet pourrait davantage se faire ressentir dans des domaines spécifiques.
Les semi-conducteurs en particulier sont en pénurie mondiale, ce qui affecte notamment l’industrie automobile, un problème qui a encore été aggravé ces derniers jours par un incendie dans la principale usine du fabricant nippon de semi-conducteurs Renesas.
Les prix des marchandises vont-ils augmenter?
Tout dépendra de la durée du blocage.
« L’effet sera probablement faible et transitoire. (…) Si le blocage dure plus que quelques jours, cela pourrait avoir un impact plus important sur les prix et de manière plus durable », anticipe néanmoins Bjornar Tonhaugen, du cabinet Rystad.
La situation économique actuelle, sur fond de crise sanitaire et de restrictions qui entravent la reprise, font également que les prix ne devraient guère flamber dans l’immédiat.
Sur les marchés, à la mi-journée, les prix du pétrole repartaient cependant de l’avant, au lendemain d’une séance catastrophique.
« Cela bloque le trafic derrière, il va y avoir des effets domino dans l’ensemble des ports européens dans les jours à venir », prévient toutefois Camille Egloff.
Braemar estime de son côté que l’incident « ne devrait pas affecter les tarifs du fret de façon significative ».
Mais cet incident « exacerbe » le manque actuel de conteneurs au niveau mondial, qui touche de nombreuses industries, a averti un haut responsable de la Fédération des industries allemandes (BDI), Holger Lösch.
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