La société mandatée pour le « sauvetage » de l’Ever Given s’est montrée prudente, évoquant « des jours voire des semaines » pour la reprise du trafic sur le canal qui voit passer 10% du commerce maritime international, selon des experts.
Depuis mercredi, l’Autorité égyptienne du canal de Suez (SCA) tente de dégager ce navire de plus de 220.000 tonnes et d’une longueur équivalente à quatre terrains de football, coincé dans le sud du canal, à quelques km de la ville de Suez.
Une opération menée vendredi par la SCA avec l’aide de remorqueurs « n’a pas réussi », a indiqué la Bernhard Schulte Shipmanagement (BSM), compagnie basée à Singapour qui assure la gestion technique du navire.
« Deux remorqueurs (égyptiens) supplémentaires de 220 à 240 tonnes » doivent arriver d’ici dimanche pour une nouvelle tentative, selon cette société.
L’incident survenu mardi et provoqué par des vents violents combinés à une tempête de sable, selon différentes sources, a entraîné des embouteillages massifs.
D’après la revue spécialisée Lloyd’s list, plus de 200 navires étaient bloqués vendredi aux deux extrémités et dans la zone d’attente située au milieu du canal, entraînant d’importants retards dans les livraisons de pétrole et d’autres produits, avec une brève répercussion sur les cours de l’or noir mercredi.
– « Coincé dans la berge » –
Le géant du transport maritime Maersk et l’allemand Hapag-Lloyd ont indiqué jeudi qu’ils envisageaient de dérouter leurs navires et de passer par le Cap de Bonne-Espérance, soit un détour de 9.000 kilomètres et au moins sept jours supplémentaires autour du continent africain.
Selon Lloyd’s list, le porte-conteneurs coincé bloque chaque jour l’équivalent d’environ 9,6 milliards de dollars (8,1 milliards d’euros) de marchandises.
L’Ever Given « n’est pas uniquement échoué sur le sable en superficie, il s’est également coincé à l’intérieur de la berge », explique à l’AFP Plamen Natzkoff, expert chez VesselsValue.
« Il va falloir creuser là où le bateau est entré dans la berge, afin de lui permettre de bouger à nouveau. Et c’est clairement du gros boulot », juge-t-il.
Des excavatrices ont commencé à creuser la berge mercredi et des dragues à aspirer le sable sous le navire vendredi, pour faciliter le travail des remorqueurs.
Dans un communiqué, l’amiral Ossama Rabie, président de la CSA, a expliqué vendredi soir que « les manoeuvres de remorquage nécessitent la conjoncture de plusieurs facteurs (…) dont le plus important est la direction des vents et des marées », parlant de « processus technique complexe ».
Une importante marée haute prévue « dimanche soir » pourrait « être d’une grande aide » pour les équipes techniques cherchant à débloquer le navire, confirme M. Natzkoff.
« S’ils ne parviennent pas à le débloquer lors de cette marée haute, la prochaine n’aura pas lieu avant deux semaines, et cela va devenir problématique », a-t-il dit à l’AFP.
La société qui exploite le navire, Evergreen Marine Corp, basée à Taïwan, a sollicité la société néerlandaise Smit Salvage et l’entreprise japonaise Nippon Salvage pour mettre en place « un plan (de sauvetage) plus efficace » que celui appliqué jusqu’alors. Les premiers experts sont arrivés jeudi.
– Incidents « rares » –
Smit Salvage a participé à de grandes opérations de sauvetage ces dernières années, notamment sur le Costa Concordia, navire de croisière italien qui s’était échoué au large de la Toscane en 2012.
Selon un responsable militaire américain ayant requis l’anonymat, les Etats-Unis ont offert aux autorités égyptiennes d’envoyer une équipe d’experts de l’US Navy sur place.
Si l’Egypte le demande formellement, les experts pourraient être dépêchés dès samedi du Bahreïn, où est basée la 5e Flotte américaine.
La Turquie a également proposé d’envoyer un remorqueur, une proposition d’aide qui intervient au moment où Ankara s’efforce d’apaiser ses relations avec Le Caire, tendues depuis le renversement en 2013 du président islamiste Mohamed Morsi, qui était soutenu par le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan.
Près de 19.000 navires ont emprunté le canal en 2020, selon la SCA, soit une moyenne de 51,5 navires par jour.
Selon un rapport de l’assureur Allianz Global Corporate & Specialty sur la sécurité maritime, « le canal de Suez présente un excellent bilan de sécurité dans l’ensemble, les incidents de navigation étant extrêmement rares – au total, 75 incidents de navigation ont été signalés au cours de la dernière décennie ».
Selon la journaliste britannique Rose George, autrice d’un livre sur le transport maritime, « plus des deux tiers des accidents maritimes sont dus à une erreur humaine ».
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