Une réunion organisée par le préfet de Guadeloupe et les élus locaux a abouti vendredi à une légère revalorisation du prix d’achat de la canne à sucre par l’usinier via des compensations financières.
Un collectif d’agriculteurs, rejoint par la majorité des syndicats agricoles du territoire, demandait une rémunération de 120 euros la tonne de cannes. Le prix fixé par convention pluri-annuelle avait été fixé en 2023 entre 109 et 113 euros, un tarif modulé notamment par la teneur en sucre des tiges de cannes.
Pour financer cette hausse de tarifs qui intervient alors que plus de 80% du prix de la canne est déjà payé par des subventions publiques, 2 millions supplémentaires ont été annoncés, versés par le département (250.000 euros), Etat (900.000 euros), région (500.000 euros), et même l’usinier (500.000 euros).
« Nous ne sommes pas entièrement satisfaits, mais il fallait trouver un consensus pour démarrer la récolte », a indiqué Willem Monrose, leader du Collectif des agriculteurs, alors que les tracteurs quittaient la zone économique de Jarry qu’ils bloquaient depuis deux jours, les chefs d’entreprises locaux dénonçant une « prise d’otage ».
« C’est une petite avancée, il y a encore du travail, mais certains agriculteurs commençaient aussi à grogner, il fallait une porte de sortie », a aussi précisé Eugène Mardirivin, autre figure du collectif.
L’usine, touchée par des mesures de chômage partiel depuis plusieurs semaines, attend son redémarrage dimanche.
« On a un retard considérable sur la récolte » a déclaré à la presse Nicolas Philippot, le directeur de Gardel, l’usine de sucre de Guadeloupe.
Seules 2.700 tonnes de sucre, sur les 12.000 prévues à cette période de l’année, ont été produites selon lui.
– Défaillances –
« Cette enveloppe supplémentaire représente entre 8 et 10 euros de plus par tonne, quand on est sur des richesses saccharines autour de 8 ou 7%, comme c’est le cas actuellement », a précisé Xavier Lefort, le préfet de la région Guadeloupe, qui a aussi averti: « il va falloir continuer à travailler sur la filière ».
Car elle « n’est pas en bon état », a-t-il déploré, rappelant les failles de la culture sucrière locale. Outre une production réduite au regard des volumes mondiaux, la filière cannes-sucre souffre de baisse de rendements, d’un recul de la richesse saccharine et d’une structuration à réformer, selon de nombreux rapports.
Chez les acteurs du monde cannier, le constat de ces défaillances est unanime. La dernière convention, signée à l’issue d’un conflit totalement similaire était même restée « ouverte », afin de lancer des chantiers autour de la rénovation du monde de la canne, qui représente sur l’île 10.000 emplois, dont moins de 2.000 planteurs.
« On peut s’interroger sur la façon dont les richesses (saccharines, qui servent de base à une partie de la rémunération des planteurs, ndlr) sont calculées », a également déclaré le préfet, rappelant que la formule datait de 1983. Le prix de la canne, « constitué par segments aux méthodes de calculs différentes », est devenu « illisible », a-t-il encore regretté. Les aspects techniques du rendement à l’hectare, des variétés de cannes à sélectionner sont à reconsidérer.
« Il y a aussi un sujet historique qui est le partage de la valeur: une frange du résultat pourrait être, lorsqu’il existe, redistribuée aux planteurs », a renchéri M. Philippot, précisant que l’accord était « entendu par les actionnaires ».
De son côté, l’usinier mise sur la production de sucres spéciaux (60% de la production), vendus plus chers sur les marchés mondiaux. « On doit aussi lancer cette année, la première production de sucres bio d’Europe », a-t-il précisé. Un nouvel espoir pour cette filière en chantier.