« Comment la dangerosité du vaccin n’a-t-elle pas été mieux évaluée ? », s’est insurgée mercredi la sénatrice de La Réunion, Evelyne Corbière Naminzo (groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky), lors des questions au gouvernement.
« Toutes les études de sécurité ont été faites. Je ne peux vous laisser dire que nous utilisons le peuple de La Réunion comme cobaye », lui a rétorqué Yannick Neuder, ministre chargé de la Santé.
Ce vif échange témoigne des doutes autour du vaccin Ixchiq, développé par le laboratoire franco-autrichien Valneva, et qui a été suspendu chez les plus de 65 ans après le décès fin avril d’un octogénaire.
Or, toujours mercredi, un deuxième décès était évoqué par Valneva et par l’Agence européenne du médicament (EMA), parmi les personnes âgées ayant présenté des effets indésirables après avoir reçu ce vaccin.
Le premier cas concernait un homme de 84 ans qui a développé une encéphalite. Le second concernait un homme de 77 ans atteint de la maladie de Parkinson dont les difficultés de déglutition se sont aggravées et pourraient avoir provoqué une pneumonie par aspiration.
Les autorités sanitaires françaises, sollicitées sur ce deuxième décès, n’ont pas répondu aux sollicitations de l’AFP.
L’EMA a, elle-même, décidé de contre-indiquer l’utilisation du vaccin pour les personnes âgées de plus de 65 ans le temps de mener « une évaluation approfondie » de la balance bénéfice/risque.
Cette restriction d’utilisation était déjà en vigueur depuis le 26 avril en France, une décision prise par les autorités sanitaires après trois événements indésirables graves chez des personnes de plus de 80 ans présentant des comorbidités, dont le premier décès à La Réunion.
Les autorités avaient initialement donné la priorité à la vaccination des adultes âgés de 65 ans et plus, en particulier ceux présentant des comorbidités.
Le vaccin est-il réellement en cause ? L’EMA souligne que le motif des 17 cas d’effets indésirables graves signalés jusqu’à présent chez des personnes âgées de 62 à 89 ans ayant reçu le vaccin, et leur lien avec ce dernier « n’ont pas encore été déterminés ».
– Des cas à Mayotte –
De son côté, Valneva continue d’estimer que le rapport bénéfice/risque de son vaccin est « positif pour la grande majorité des personnes potentiellement exposées à la maladie ». « La société continuera à surveiller tous les effets indésirables graves signalés », assure-t-elle.
Le sérum Ixchiq est un vaccin vivant atténué (il utilise une version affaiblie du virus) contre le chikungunya, une maladie infectieuse due à un virus transmis par le moustique tigre qui provoque une forte fièvre et des douleurs articulaires.
Principalement destiné aux personnes vivant ou voyageant dans des zones à risque, il est approuvé aux Etats-Unis depuis 2023 et dans l’Union européenne depuis 2024. Cette année, il a obtenu une autorisation de mise sur le marché au Brésil et au Royaume-Uni.
À ce jour, plus de 40.000 doses du vaccin ont été utilisées dans le monde, souligne Valneva.
La situation est d’autant plus difficile à évaluer que les décès liés au chikungunya sont, eux, bien documentés et témoignent du danger de l’épidémie.
Dans un bulletin publié mercredi, Santé publique France a fait état de douze morts « liés au chikungunya » depuis le début de l’année sur cette île de l’Océan indien, où elle observe une légère baisse de l’épidémie.
Vingt-huit autres décès, dont celui d’un nourrisson, sont « en cours d’investigation » pour déterminer s’ils sont liés à cette maladie.
A Mayotte, où une centaine de cas de chikungunya ont été détectés depuis le début de l’année et où la vaccination des plus de 65 ans a été aussi suspendue après les trois cas d’effets indésirables graves à La Réunion, une vigilance accrue est de mise pour la vaccination des adultes encore éligibles.
Santé publique France a ainsi annoncé vendredi « un suivi renforcé » dans cet autre territoire d’outre-mer concernant plus spécifiquement les populations entre 55 et 64 ans, avec un appel téléphonique des prescripteurs trois jours après l’administration du vaccin.
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