Un appel d’offre a été lancé pour 2021 pour la modernisation, l’approfondissement et la maintenance du tronçon argentin (1.238 km) de la voie « Parana-Paraguay » qui court sur plus de 3.440 km depuis le Rio de la Plata jusqu’au Brésil.
L’investissement est estimé à 3,8 milliards de dollars, selon la Bourse du commerce de Rosario (centre-est), la plus grande du pays où se négocie 80% de la production de céréales et d’oléagineux d’Argentine.
L’entreprise belge Jan De Nul, associée à une entreprise locale, est en charge de la gestion depuis 25 ans. Mais à la différence des années 1990, la Chine, qui contrôle déjà un grand port d’exportation agricole à Rosario à travers une filiale de son géant étatique de l’agroalimentaire Cofco, convoite désormais le marché.
Outre deux entreprises belges — Dredging International et Jan de Nul — et deux sociétés néerlandaises — Boskalis et Van Oord — la Chinoise Shanghai Dredging Company est sur les rangs.
Le tronçon soumis à l’appel d’offre compte 25 terminaux d’exportation. En 2019, 2.600 navires y ont transité et plus de 92 millions de tonnes de céréales ont été transportées.
La très grande majorité a été chargée directement dans les ports argentins jusqu’à l’Atlantique, et le reste acheminé depuis le sud du Brésil, la Bolivie et le Paraguay, explique à l’AFP Alfredo Sesé, expert à la Bourse du commerce de Rosario.
Au cours de ces dernières décennies, le couloir fluvio-maritime est devenu un élément vital pour les exportations agricoles de l’Argentine, et la région de Rosario la principale porte de sortie : 80% des 120 millions de tonnes de céréales et oléagineux que produit le pays y ont transité.
Pour Gustavo Idigoras, président de la chambre des industries oléagineuses d’Argentine (Ciara), l’amélioration de la navigabilité du tronçon est « un projet clé » pour la région, « cela générera plus d’industrialisation et de services avec des ports plus compétitifs et de plus gros volumes de marchandises ».
Le principal pari est d’améliorer le transit sur le tronçon grâce à l’approfondissement et l’élargissement de certaines sections pour permettre à de plus gros cargos d’entrer et de sortir à pleine charge.
« Le tirant d’eau normal est de 34 pieds et la profondeur dans les étapes critiques est de 36. Il devrait atteindre 42 pieds dans des zones spécifiques », explique Alfredo Sesé.
– « Chaîne de valeur » –
L’appel d’offre a été mis en oeuvre alors que l’agronégoce sud-américain affiche, malgré la pandémie de coronavirus, une santé insolente, stimulée justement par la forte demande chinoise.
« L’un des problèmes de la Chine est sa capacité à être autosuffisante en matière d’alimentation, c’est pourquoi elle investit dans les infrastructures des pays producteurs », analyse auprès de l’AFP Esteban Actis, spécialiste des relations internationales à l’Université nationale de Rosario.
A la suite de plusieurs acquisitions, Cofco Argentine est devenue le plus gros exportateur de céréales et oléagineux (soja, maïs, blé, tournesol) du pays sud-américain, concentrant 15% du volume exporté.
« La Chine veut être présente dans toute la chaîne de valeur alimentaire, tant au niveau de la production que de la logistique, d’où la présence de Cofco et l’intérêt de contrôler le dragage et l’entretien de la voie navigable », ajoute le chercheur.
Mais l’infrastructure à venir inquiète les défenseurs de l’environnement, en raison des menaces sur l’équilibre d’une des zones humides les plus vastes de la planète.
Martin Bletter, chercheur à l’Institut national de limnologie — science qui s’intéresse aux eaux continentales à la différence de l’océanographie — met en garde contre la modification du lit du fleuve Parana qui « entraînerait des pertes écologiques par la dégradation et la fragmentation de l’habitat de nombreuses espèces ».
Il regrette surtout qu' »aucune étude exhaustive » n’ait été menée depuis 25 ans sur l’impact du fonctionnement de l’autoroute fluviale sur l’écosystème.