Canberra, qui avait saisi la Cour internationale de Justice en 2010, estime que le Japon viole ses obligations internationales en harponnant chaque année des centaines de baleines sous couvert de son programme de recherche scientifique Jarpa II, dans le sanctuaire baleinier de l’océan Austral.
La Commission baleinière internationale (CBI) proscrit toute pêche commerciale depuis 1986, et à ce jour, seules la Norvège et l’Islande continuent la chasse commerciale malgré ce moratoire.
Canberra estime que le Japon exploite de son côté un article du moratoire de 1986 autorisant la chasse à des fins de recherche scientifique. Pourtant, la chair des cétacés finit sur les étals nippons, et le Japon ne s’en cache pas, lui pour qui la chasse à la baleine est une tradition culturelle ancestrale. Les recettes servent en partie à financer le programme Jarpa II.
« Le nombre de baleines tuées, capturées et traitées dans le cadre de ce programme dépasse de loin tout ce qui avait été entrepris sur la base de permis scientifiques depuis la création de la CBI » en 1946, soutient l’Australie dans sa plainte : « l’Australie prie la cour d’ordonner au Japon de mettre fin au programme Jarpa II ».
La délégation australienne aura la parole de mercredi à vendredi. Les Japonais s’exprimeront la semaine suivante, du 2 au 4 juillet alors qu’un deuxième tour de plaidoiries aura lieu du 9 au 16 juillet. Un jugement n’est pas attendu avant des mois.
Quelque 6.800 petits rorquals (baleines de Minke) de l’Antarctique ont été tués entre 1987 et 2005 dans le cadre du programme Jarpa I, le prédécesseur de Jarpa II (2005-…), contre 840 baleines tuées à des fins de recherche lors des 31 ans avant l’entrée en vigueur du moratoire, selon la requête de Canberra.
Environ 2.600 petits rorquals entre 2005 et 2009 et au moins 13 rorquals communs entre 2005 et 2007 ont été tués par les baleiniers japonais. Jarpa II vise les petits rorquals, les rorquals communs et les baleines à bosse, ces deux dernières espèces étant considérées comme en danger.
Aucune baleine à bosse n’a encore été tuée dans le cadre de Jarpa II, reconnaît toutefois Canberra.
Les programmes Jarpa ont continué malgré des appels du CBI et de la communauté internationale.
Tokyo soutient que son programme est légitime et scientifique car son but est de prouver que les populations de baleines peuvent supporter une pêche commerciale sans être menacées. Le gouvernement nippon a créé un groupe de travail au sein du ministère des Affaires étrangères en vue de la procédure devant la CIJ.
« Les recherches japonaises sur la pêche à la baleine sont une étude scientifique et sont légitimes en vertu de la Convention internationale pour la régulation de la pêche à la baleine », a soutenu à l’AFP un membre du groupe de travail sous couvert de l’anonymat.
Les militants de l’association Sea Shepherd suivront les débats devant la CIJ de très près, eux qui harcèlent les baleiniers japonais dans l’Antarctique pour les empêcher de pêcher, une pratique pouvant mener à des affrontements musclés.
Deux navires de l’organisation, le « Steve Irwin » et le « Bob Barker », avaient heurté le navire-usine japonais Nisshin Maru en février, chaque partie accusant l’autre d’être l’agresseur. Sea Shepherd a porté plainte pour piraterie aux Pays-Bas contre l’équipage du Nisshin Maru.
Et le harcèlement a porté ses fruits : le nombre de baleines pêchées en Antarctique lors de la campagne 2012-2013 n’est que de 103 alors que les quotas avaient été fixés à plus de 1.000 petits rorquals ou rorquals communs. Le ministre japonais de l’Agriculture et de la pêche, Yoshimasa Hayashi a directement imputé ce maigre butin au harcèlement permanent des écologistes.
« Si l’Australie remporte cette affaire, ce sera un grand soutien à notre cause », assure à l’AFP Geert Vons, directeur de Sea Shepherd Pays-Bas, qui a pris part à plusieurs campagnes de son organisation en Antarctique : « mais si l’Australie ne remporte pas cette affaire, j’ai peur de ce qui va se passer… si rien ne se passe maintenant, il ne se passera jamais rien ».