Ce navire de 52 mètres avait secouru mardi au large de la Libye 108 migrants — 77 hommes, 19 femmes et 12 enfants –, à bord de deux canots en détresse signalés par un avion militaire européen.
Mais alors qu’il s’approchait de Tripoli pour les débarquer mercredi, il a subitement fait demi-tour et mis le cap au nord.
C’est le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini (extrême droite), qui a donné l’alerte en tonnant: « Ce ne sont pas des naufragés, mais des pirates ». Et en prévenant que le navire ne serait pas autorisé à pénétrer dans les eaux italiennes.
Le navire faisait route vers Malte, où la marine a pu entrer en contact avec le capitaine quand il était à 30 milles des côtes.
Un patrouilleur a empêché le pétrolier de pénétrer dans les eaux territoriales de Malte et un commando des forces spéciales, soutenu par plusieurs navires de la marine et un hélicoptère, a été dépêché à bord « pour rendre le contrôle du bateau au capitaine ».
Escorté par la marine maltaise, le navire est arrivé en début de matinée dans le port de La Valette, où les migrants sont restés plusieurs heures à bord, gardés par des hommes en armes.
Cinq hommes soupçonnés d’avoir été les meneurs lors du détournement ont été arrêtés, menottés et emmenés dans un fourgon de police.
Les femmes et les enfants sont descendus ensuite, puis les autres hommes. Beaucoup paraissaient très faibles, ayant du mal à tenir sur leurs jambes.
« Nous ne nous dérobons pas à notre responsabilité malgré notre petite taille. Nous allons maintenant appliquer le droit international », a commenté Joseph Muscat, Premier ministre de Malte, le plus petit pays de l’UE avec environ 450.000 habitants.
– ‘Nouvelle escalade’ –
L’ONG allemande Sea-Eye, dont le navire Alan Kurdi était mardi dans la zone de secours au large de la Libye, a rapporté avoir entendu les échanges radio entre l’avion européen et le capitaine du pétrolier avant et après les secours.
« Le capitaine a demandé de l’aide. Il a déclaré sans équivoque à la radio que les gens étaient bouleversés et ne voulaient pas être reconduits en Libye », a expliqué Sea-Eye dans un communiqué.
Parallèlement, d’autres migrants ont été secourus et ramenés en Libye mercredi par les garde-côtes libyens, selon M. Salvini et Sea-Eye.
Depuis des années, les navires commerciaux circulant au large de la Libye sont régulièrement réquisitionnés par les garde-côtes et déroutés pour secourir des migrants.
Mais depuis que Tripoli a progressivement pris le relais de Rome pour coordonner ces opérations, les navires reçoivent l’ordre de reconduire les migrants en Libye.
A plusieurs reprises ces derniers mois, des migrants raccompagnés en Libye ont refusé de descendre du navire et les autorités libyennes ont employé la force.
La semaine dernière, le sous-secrétaire général aux droits de l’Homme de l’ONU, Andrew Gilmour, avait évoqué les tortures et viols subis par nombre de migrants en Libye et appelé l’Union européenne à revoir son soutien aux garde-côtes libyens.
Mercredi, l’UE a cependant encore réduit le champ d’action de sa mission anti-passeurs en Méditerranée, baptisée Sophia, en la limitant officiellement à des patrouilles aériennes et à la formation des garde-côtes libyens.
« Les personnes secourues reviennent de l’enfer et se trouvent face à des équipages de navires commerciaux pas préparés et complètement dépassés, qui doivent leur expliquer qu’ils les ramènent exactement à l’endroit d’où ils viennent d’essayer d’échapper au péril de leur vie. L’UE devra assumer la responsabilité de cette nouvelle escalade », a commenté Gorden Isler, porte-parole de Sea-Eye.