Jusque-là, les Polonais exposés à la pollution de l’exploitation minière vivaient dans le sud du pays où le charbon est traditionnellement extrait.
Mais faute d’une production intérieure suffisante, la Pologne a été contrainte d’importer désormais du charbon, qui en outre ne vient plus de Russie depuis l’invasion de l’Ukraine par ce pays. Contraint de gérer les volumes importants importés du Kazakhstan, de Colombie ou d’Indonésie, le port de Gdansk a commencé à stocker le charbon près des zones résidentielles.
« Cette poussière est omniprésente », se plaint Iwona, 37 ans, devant la maison où elle a grandi.
« Avant, elle était beige », confie-t-elle à l’AFP en montrant la façade couverte d’une couche noire.
« Nous commençons chacune de nos journées par un nettoyage. Il suffit d’ouvrir une porte ou une fenêtre pour que la poussière s’engouffre à l’intérieur », déplore cette mère d’une petite fille d’un mois.
Plus question désormais de passer du temps dans le jardin.
« Des filtres à air et des humidificateurs fonctionnent en permanence. Et lorsqu’on veut sortir avec notre fille, on va se promener ailleurs », indique-t-elle.
Le sentiment de gravité est partagé par Elzbieta Rostalska dont la maison donne sur les tas de charbon qui longent le canal.
« J’habite ici depuis plus de 40 ans… la situation est la pire que nous ayons connue. Nous sommes au XXIe siècle, ils pourraient faire les choses autrement », s’insurge-t-elle.
– « Tempête dans le désert » –
Lorsque la poussière de charbon se lève, on se croirait au milieu d’une « tempête dans le désert », sans la moindre visibilité, ajoute Elzbieta, 64 ans.
« Je suis asthmatique, alors quand la pollution augmente, ça laisse un arrière-goût désagréable dans la gorge », décrit-elle.
Les problèmes de santé se multiplient dans la région. Ainsi, le père d’Iwona Wozniewska souffre d’emphysème, une grave affection pulmonaire.
Un voisin du quartier, Henryk Motyl, souffre lui aussi de problèmes aux poumons.
« Je suis censé laisser la fenêtre grande ouverte un peu tous les jours (…), confie cet homme de 66 ans. Il explique qu’il doit inspirer et expirer profondément pendant une demi-heure quotidiennement. « Mais comment le faire? », s’interroge-t-il.
Sa femme pour sa part se bourre d’analgésiques pour soulager ses maux de tête.
Sa fille, Anna Motyl-Kosinska, 46 ans, a quant à elle décidé de se battre contre cette pollution.
Selon elle, la situation s’est détériorée lorsque les importations de charbon se sont intensifiées à l’approche de l’hiver.
« Le charbon est stocké dans tous les coins et recoins inoccupés. C’est du charbon de mauvaise qualité, en provenance de Colombie, du Kazakhstan, de diverses contrées du monde », explique-t-elle.
– « Cité noire » –
Anna Motyl-Kosinska est cofondatrice d’une campagne citoyenne lancée contre la pollution et qui réclame des mesures préventives, comme arroser le charbon avec de l’eau ou bâcher les camions pour contenir la propagation de la poussière.
Soumis à des pressions en ce sens, le conseil municipal de Gdansk vient de tenir une réunion spéciale consacrée au problème.
Les habitants ont saisi l’occasion pour déployer des banderoles clamant : « Gdansk: cité noire ».
« Près de 90% du volume de charbon arrivant en Pologne et distribué à travers le pays, est transbordé à Gdansk, près des habitations », dit à l’AFP la maire de cette ancienne ville hanséatique, Aleksandra Dulkiewicz, précisant que le problème affecte « des milliers de personnes ».
« Il y a des endroits à Gdansk, des écoles, dont les enfants ne sortent pas depuis des semaines », insiste-t-elle.
Le conseil municipal a invité à sa réunion les autorités gouvernementales et portuaires, sans succès, alors que 95 % du port est propriété de l’État.
« Cela montre que personne aujourd’hui ne veut se confronter aux résidents ni à leurs vrais problèmes, ni réfléchir à une solution intelligente », déplore Dulkiewicz.
Lors de la réunion, le conseil a appelé le gouvernement à agir immédiatement, en commençant par nettoyer les rues et les véhicules du port, tout en surveillant les taux de pollution.
Certaines mesures ont bien été prises, mais selon les habitants, elles sont insuffisantes.