« On dit que vous êtes le +roi du port+ », lance à Louis Bellahcène le président de la cour d’assises spéciale qui le juge avec cinq complices présumés depuis le 1er février. « Des ragots », écarte l’homme de 56 ans, ex-gérant d’une entreprise de tuyauterie, en invalidité.
Les bras croisés, il dit n’avoir « approché aucun docker » pour le trafic international de stupéfiants, en provenance d’Amérique du Sud, dans lequel il est accusé d’avoir joué les intermédiaires entre malfrats et employés du port.
La police avait démantelé le réseau en 2017, notamment grâce à des écoutes. A la clé la saisie d’1,3 tonne de cocaïne et de 445 kilos de résine de cannabis sur plusieurs bateaux.
Des extraits de ces écoutes, où le « roi du port » est cité, sont diffusés. « Tout le monde parle de moi, même quand je suis à l’étranger ou à l’hôpital », peste M. Bellahcène.
L’avocat général s’étonne: dans le quartier havrais des Neiges, fief des dockers, « vous dites +tout le monde me connait et je connais les dockers+? Sommes-nous d’accord que tous les dockers ne sont pas des trafiquants? »
« Tous les dockers ne sont pas des trafiquants », acquiesce l’accusé. Mais il peine à justifier son train de vie: nombreux véhicules, vêtements de marque, biens immobiliers ou achats en espèces.
« J’aimais bien les espèces, c’était des petites bricoles. J’avais des économies », affirme-t-il, sans s’expliquer sur leur provenance. Sa pension d’invalidité lui « suffisait ».
L’avocat général s’étonne de son absence de précisions, lui rappelle qu’il encourt jusqu’à 30 ans de réclusion.
Après une saisie de 600 kg de cocaïne, l’accusé avait été séquestré en mai 2017 et libéré en échange d’une forte somme d’argent, une agression pour laquelle il n’a pas porté plainte.
Soupçonné d’être le « John » cité dans les écoutes comme celui à qui la drogue était destinée, Dione Mendy, 47 ans, jure à son tour devant la cour n’avoir « rien à voir » avec l’affaire.
« Je n’ai jamais importé, vendu ou participé de quelconque manière que ce soit au moindre trafic de cocaïne, jamais », lance cet ex-scaphandrier et videur de discothèque devenu patron d’une entreprise de BTP.
L’avocat général lui indique avoir « une bonne dizaine de raisons » laissant penser le contraire. En récidive, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
« J’ai bénéficié d’un traitement de défaveur, c’est une farce », « depuis le début on fait des amalgames me concernant. Peut-être que le nom Mendy faisait vendeur, avec la couleur qui va avec », objecte ce Français né à Dakar.
Trois de leurs complices présumés, ceux qui ont fait l’objet d’écoutes, ont reconnu avoir participé au trafic mais contesté tout rôle de leader par la voix de leurs avocates.
Absent à l’ouverture du procès, le sixième accusé, soupçonné de s’être ponctuellement allié à l’équipe, est jugé par défaut. Le verdict est attendu vendredi
Huit personnes, dont des personnels portuaires, ont déjà été condamnées en correctionnelle et trois relaxées dans ce dossier.