En début d’après-midi à leur entrée en préfecture, les délégués syndicaux exprimaient une certaine prudence, voire de la méfiance, avant ce rendez-vous, alors que la grève doit entrer mardi dans sa 3e semaine et commence à peser sur l’économie locale.
« Nous avons discuté d’un +cadre sécurisé+ », d’un calendrier pour des négociations à venir, a indiqué lundi soir le représentant de la CFE-CGC, Pierre Maupoint de Vandeul, lors d’une suspension de cette réunion avec Gilles Bélier, médiateur désigné par le secrétaire d’Etat aux Transports.
Selon lui, devait également être abordée la question d’un « moratoire » suggéré lundi par les collectivités territoriales, qui excluerait toute procédure judiciaire pendant quatre mois, le temps de permettre la finalisation d’un projet de reprise de la SNCM.
Le redressement judiciaire est en effet la solution préconisée par l’actionnaire majoritaire Transdev (66%): pour « bâtir un avenir stable et pérenne », la « solution passera nécessairement par une procédure judiciaire », a réaffirmé ce week-end le groupe de transports dans un communiqué.
L’Etat – actionnaire à 25% et à qui les syndicats demandaient de clarifier sa position – a lui aussi fini par afficher son soutien à cette option, par la voix du secrétaire d’Etat aux Transports Frédéric Cuvillier, puis de Manuel Valls qui a estimé que son ministre avait « eu raison de dire la vérité ».
Etat et actionnaire majoritaire considèrent que ce passage au tribunal de commerce permettrait, outre d’apurer les comptes de la compagnie déficitaire, de lever l’hypothèque de lourdes condamnations européennes, noeud gordien du dossier SNCM depuis 18 mois.
L’entreprise a en effet été condamnée à deux reprises par Bruxelles au remboursement d’aides publiques jugées indûment perçues: 220 millions d’euros lors de la privatisation en 2006, et 220 autres millions pour la délégation de service public, entre 2007 et 2013.
Mais les syndicats font une lecture différente du dossier, réaffirmée dimanche dans des lettres ouvertes à Transdev et à Manuel Valls.
Pour eux, le passage au tribunal signifierait une « disparition et un démantèlement », et les menaces bruxelloises ne sont ni réelles, ni imminentes. « Il faudra au moins 4 ou 5 ans pour considérer un éventuel remboursement dont les montants devraient être largement minorés et ne porter que sur le contentieux de la privatisation », jugent-ils dans leur courrier au Premier ministre.
Ils demandent ainsi d' »exclure » toute procédure judiciaire et, afin de trouver de nouveaux actionnaires, réclament une « garantie de passif » des actionnaires après épuisement des recours à Bruxelles.
– Ultimatum des organisations professionnelles corses –
Pour Gilles Bélier, la marge de manoeuvre pour réconcilier les parties semble étroite.
Il n’est pas certain que la proposition de moratoire suffise à mettre un terme au conflit. Il n’y aura pas de reprise « tant qu’il n’y aura pas de garantie qu’il n’y aura pas tribunal de commerce », affirmait lundi matin Yann Pantel, de la CGT-Marins. « C’est un minimum, et après, on veut bien parler de tout », a-t-il ajouté. « On ne va pas faire la saison tranquillement pour se faire manger à la rentrée ».
Pendant ce temps, sur le port de Marseille et en Corse, la situation était tendue.
Sur le continent, le Kallisté, bateau de la Méridionale, seule autre compagnie assurant la liaison Corse-Marseille, était toujours bloqué par des grévistes. La plupart des bateaux de croisière, qui assurent une manne financière à la ville, continuent à se dérouter vers d’autres ports.
Lundi, les représentants du monde économique marseillais – CCI, terminal de croisière, Union maritime et fluviale Marseille Fos, syndicat patronal – se sont alarmés des « conséquences graves et durables » de la grève, demandant « à l’Etat de rétablir la libre circulation des biens et des personnes ».
En Corse, un nouveau rassemblement de centaines de représentants du monde économique a eu lieu lundi matin devant la préfecture de Bastia.
Ils relèvent que, si le flux de passagers peut à peu près être absorbé par les compagnies concurrentes, il n’en est pas de même pour le fret. Les organisations socio-professionnelles ont ainsi posé un ultimatum aux pouvoirs publics, demandant le déblocage du Kallisté et la sécurisation d’un quai à Marseille pour permettre les rotations Marseille-Corse d’ici à mardi 18H00.