Compagnie préférée des Corses, selon certaines études d’opinion, la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM), qui est aussi une entreprise emblématique de Marseille, a encaissé mercredi un nouveau coup, porté par la Commission européenne.
Celle-ci a en effet doublé mercredi, à 440 millions d’euros, le montant des aides qui auraient été indûment versées et que l’État français devrait récupérer auprès de la compagnie. La Commission a annoncé qu’elle saisirait la justice pour obtenir gain de cause.
La première partie de la décision bruxelloise concerne 220 millions d’euros d’aides versées par la collectivité territoriale de Corse (CTC) jugées incompatibles avec les règles européennes de la concurrence.
Une somme du même montant a été ajoutée mercredi à l’addition présentée par Bruxelles en mai, désormais supérieure au chiffre d’affaires annuel de la compagnie (300 M EUR, ndlr)
Le syndicat de l’encadrement de la compagnie (CFE-CGC) a immédiatement dénoncé « l’acharnement de la Commission à obtenir la disparition de la SNCM ».
Selon Bruxelles, les aides contestées ne répondraient pas à un besoin de service public, car elles concernent la période estivale, et créeraient une distorsion de concurrence avec des opérateurs privés.
Elles devaient être recouvrées « dans les quatre mois », selon la commission, qui affirme que « la France n’a toujours pas mis en oeuvre cette décision ».
« Qui veut la peau de la SNCM? »
Le commissaire européen à la concurrence est « bien moins regardant sur les accords entre armateurs napolitains et la compagnie italienne Sardinia-Corsica Ferries », concurrente directe de la SNCM, juge la CFE-CGC.
Les 220 nouveaux millions d’aides considérées comme indues concernent des sommes versées dans le cadre de la restructuration et de la privatisation de la compagnie en 2006, qui avaient pourtant été initialement acceptées par Bruxelles, avant d’être invalidées par la justice européenne.
Cette ligne en plus sur la note déjà salée a fortement fait réagir la SNCM qui, par la voix de ses avocats, a estimé qu’elle pourrait tout simplement remettre en cause la privatisation de 2006.
Jean-Pierre Mignard et Sébastien Mabile rappellent que « Veolia Transport avait anticipé le risque (…) en prévoyant une clause (…) dans l’hypothèse où cette recapitalisation serait requalifiée en aide d’Etat ».
Ainsi, « en allant au bout de la logique de la Commission, l’accord de privatisation (…) serait résolu et la SNCM redeviendrait donc une compagnie nationale détenue à 100% par l’Etat », assurent-ils.
« La SNCM ne fut que l’objet et non partie à cet accord dont elle n’a négocié ni les termes, ni les conditions et ne saurait supporter les conséquences des choix successifs de l’Etat actionnaires et les revirements de la Commission européenne », estiment les conseils.
« L’attitude hostile de Veolia et les défaillances d’actionnaires répétées depuis 2012 ont sûrement joué leur rôle dans ce type de décision », a souligné de son côté la CFE-CGC.
Alors que la direction de la compagnie est engagée dans un ambitieux plan de réorganisation et de développement industriel, avec notamment le lancement de nouveaux navires pouvant être construits à Saint-Nazaire, l’avenir de la SNCM, qui a reconquis 10% de parts de marché l’an dernier, demeure incertain, sur fond d’obscures tractations entre Veolia, la Caisse des dépôts (CDC), l’État et la CTC.
« Qui veut la peau de la SNCM? », a ainsi titré à la « une » l’influent mensuel Corsica dans son édition de novembre.
« Une chose est sûre, le sort de la SNCM se règlera à Paris entre énarques, inspecteurs des finances et polytechniciens, qu’ils soient au gouvernement, dans les services de l’Etat ou qu’ils pantouflent dans les entreprises privées concernées », a conclu Corsica.
Le capital de la compagnie est détenu à 66% par Transdev, coentreprise de transport, le géant de l’eau et des déchets Veolia et la Caisse des dépôts et consignations, à 25% par l’État et à 9% par les personnels.
Veolia et la CDC auraient dû sceller au 31 octobre un accord prévoyant le transfert à Veolia des 66% détenus par Transdev. Mais Veolia refuse de régler les dettes de la compagnie.
Comme en écho, le président de la CDC, le socialiste Henri Emmanuelli, avait souligné mardi que cet organisme n’avait « pas vocation à être actionnaire de la SNCM ».
La CTC avait indiqué à Veolia qu’elle pourrait se retourner vers lui pour récupérer les 220 millions d’euros d’aides si la compagnie s’avérait insolvable, tandis que la SNCM réclame à cette collectivité 65 millions d’euros d’impayés.
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