À l’unanimité, les onze juges de la plus haute instance judiciaire du pays ont estimé que le crabe des neiges était une espèce sédentaire et qu’en tant que telle, sa gestion incombe à l’État côtier, en l’occurrence la Norvège.
Une espèce sédentaire est définie comme nécessitant un contact permanent avec les fonds sous-marins pour se déplacer.
La Cour a donc maintenu l’amende de 150.000 couronnes (près de 15.400 euros) infligée à l’armateur du bateau letton Senator et celle de 50.000 couronnes à son capitaine russe, faute d’avoir disposé d’une autorisation de pêche émanant des autorités norvégiennes.
Le Senator avait été arraisonné en janvier 2017 alors qu’il pêchait le crabe des neiges dans les eaux du Svalbard, un archipel situé à un millier de kilomètres du pôle Nord, dont la souveraineté incombe à la Norvège depuis le traité de Paris de 1920.
L’armateur letton s’était prévalu d’une licence de pêche accordée par l’Union européenne. Bruxelles s’estime en droit d’accorder de tels permis au Svalbard en vertu du traité, lequel stipule que tous les États signataires peuvent s’y livrer à des activités économiques sur un pied d’égalité.
La Cour suprême s’en est tenue à des questions de procédure: avant de démarrer ses opérations, le Senator aurait dû, selon elle, contester au civil l’interdiction de pêche imposée par Oslo.
Elle s’est en revanche prudemment abstenue de se prononcer sur la très délicate question de la portée géographique du traité de Paris: l’accès égal aux ressources s’applique-t-il aux seules eaux territoriales, c’est-à-dire dans la zone des 12 milles autour des côtes, comme l’affirme la Norvège, ou bien s’étend-il, comme le dit l’UE, à la zone économique des 200 milles, un concept qui n’existait pas en 1920?
La question, qui reste donc en suspens, est d’autant plus sensible qu’elle pourrait avoir un impact sur la gestion d’autres ressources, notamment le pétrole, susceptibles de reposer dans ces fonds sous-marins.