Critiqué, le gouvernement se défend de lâcher ses pêcheurs face à Londres

Paris, 19 nov 2021 (AFP) – Paris a assuré vendredi ne rien lâcher face à Londres dans son contentieux sur les licences de pêche, au lendemain de déclarations interprétées comme une capitulation par certains pêcheurs et qui ont déclenché une vague de critiques des candidats à la présidentielle.

« Nous allons continuer à nous battre, nous ne lâcherons pas nos pêcheurs », a assuré vendredi le président Emmanuel Macron lors d’un déplacement dans le Nord de la France, exhortant la Commission européenne à agir.

« Je recevrai les pêcheurs de toutes les régions concernées une fois que j’aurai les retours de la Commission », a-t-il ensuite annoncé. « Et avant Noël, la France aura pris une position », a-t-il ajouté, en précisant qu’il ne voulait pas « en faire un sujet de la présidence française » de l’Union européenne qui débute le 1er janvier.

« Il n’y a ni renoncement, ni reculade. On continue à la fois la négociation et la pression. On demande le même nombre de licences », entre 150 et 200, avait assuré auparavant à l’AFP le secrétaire d’Etat aux Affaires européens Clément Beaune.

La France « maintient toutes les options ouvertes si le dialogue » n’aboutissait pas, a-t-il dit en référence aux différentes sanctions que pourraient décider Paris et l’Union européenne (UE).

Alors que Paris peine à obtenir des droits de pêche, notamment auprès des autorités de l’île anglo-normande de Jersey, la ministre de la Mer Annick Girardin a évoqué jeudi un plan d’indemnisation pour les pêcheurs qui perdraient leurs licences pour les eaux britanniques.

Ces propos ont provoqué la colère des professionnels, y voyant un aveu implicite par la France de sa « défaite ».

Plusieurs responsables politiques ont aussi exprimé leur courroux en pleine campagne présidentielle, et alors que les relations franco-britanniques sont très tendues sur de nombreux sujets.

« Emmanuel Macron a capitulé » pour la cheffe du Rassemblement national Marine Le Pen. « Une honte », pour le communiste Fabien Roussel. « Scandaleux renoncement », « camouflet »… : les prétendants à la présidence sautaient sur l’occasion de critiquer Emmanuel Macron, probable candidat à sa succession. L’ex-négociateur du Brexit et candidat à l’investiture de la droite Michel Barnier a fustigé « le renoncement » du gouvernement.

– Commission trop molle ? –

« Il y a eu une erreur de communication de Girardin et une mésinterprétation des pêcheurs », estime Elvire Fabry, politologue à l’Institut européen Jacques Delors.

Pour Jean-Luc Hall, le directeur général du comité des pêches français, c’est aussi « plutôt une erreur de +timing+ qui est reprochée par certains qui redoutent que ce soit interprété comme un aveu de faiblesse par le Royaume-Uni ».

A Londres, la déclaration de la ministre française est passée totalement inaperçue et n’a pas provoqué d’euphorie antifrançaise dans la presse tabloïd.

« A mon sens, le message de Girardin était de montrer que tous les risques sont planifiés pour ne pas laisser les pêcheurs penser qu’il y avait un risque de +chute de la falaise+ » en cas d’échec de la négociation, estime Mme Fabry.

Mais Emmanuel Macron a aussi mis la pression sur la Commission européenne, qu’il accuse de ne pas assez se mobiliser. Elle « doit nous protéger. Ca va trop lentement, ça va trop mollement », a regretté le président français, en prévenant que si « la Commission ne joue pas son rôle, la France le fera ».

« Le processus est trop lent », a admis une porte-parole de la Commission, en promettant que sera demandée à Londres « une intensification du processus dans un délai clairement défini. »

A Bruxelles, « on parle plus du protocole irlandais (un autre point de friction entre l’UE et le Royaume-Uni, ndlr) que de la question de la pêche », relève Eric Maurice, responsable du bureau de Bruxelles de la Fondation Robert Schuman qui considère que la France n’est pas isolée.

« Tout le monde est bien conscient à Bruxelles et dans les Etats membres que c’est une question plus générale de respect par les Britanniques des accords Brexit », estime-t-il, « et tout le monde sait très bien qu’on est face à un partenaire qui ne respecte pas forcement sa parole ».

Les pêcheurs, eux, veulent maintenir la pression: « Le temps des actes est venu », prévient le comité des pêches.

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