« Hier, à 21H00, nous avons été informés officiellement par l’armée libanaise qu’il était interdit de sortir en mer et nous respectons cet ordre », explique à l’AFP Mohammed Bidaoui, du syndicat des pêcheurs de Saïda, sur la Méditerranée.
« Si ça continue, le marché aux poissons va bientôt fermer », s’angoisse-t-il, dans les allées quasi-déserte de la criée.
Lundi soir, l’armée israélienne, désormais en guerre ouverte au Liban où elle mène chaque jour bombardements et incursions terrestres, a ordonné aux habitants de ne pas se rendre sur les plages ou en mer dans le sud du pays, frontalier d’Israël.
Les forces armées israéliennes ont annoncé qu’elles viseraient « bientôt les activités terroristes du Hezbollah dans la zone côtière » du sud, longue d’une soixantaine de kilomètres.
Issam Habouch regarde tristement les bateaux qui tanguent doucement sur l’eau, alignés les uns près des autres dans le port au-dessus duquel flotte le drapeau national rouge et blanc frappé d’un cèdre.
Devant une mer d’huile où aucun filet n’a été jeté depuis le matin, ce pêcheur bloqué sur la terre ferme s’inquiète pour sa famille.
« On faisait vivre nos enfants avec la pêche, si on ne sort pas, on ne peut pas se nourrir », dit-il à l’AFP, en affirmant que « 300 ou 400 familles vivent de la pêche » dans les environs.
Pour M. Bidaoui, cela représente « 5.000 à 6.000 personnes » qui se retrouvent « dans une situation difficile », dans un pays qui se débat déjà depuis 2019 avec une crise économique qui l’a mis à genoux.
« Il va falloir aider les pêcheurs et les commerçants du marché aux poissons », plaide-t-il, devant des étals où seuls quelques daurades, rougets et autres petits poissons de friture s’offrent encore aux rares badauds.
– « Déprimé » –
Autour de lui, d’autres pêcheurs acquiescent: « On est comme les déplacés du reste du pays », plus de 1,2 million de personnes qui parfois ont perdu leur maison ou dû fuir des villages désormais sous les bombes, dit l’un d’eux, Hamza Sonboul.
Tous réclament des aides pour continuer à survivre dans un pays où, selon la Banque mondiale, le taux de pauvreté a triplé, à 44%, durant la décennie écoulée.
En temps normal, les 3.000 bateaux de pêche artisanale du Liban pêchent entre 3.000 et 3.500 tonnes de poisson par an, rapportait en 2021 l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Moniteur de plongée en apnée, Marwan Hariri, 47 ans, a son petit bateau école amarré dans le port de pêche.
« Depuis hier, je me sens vraiment déprimé », confie-t-il à l’AFP.
Il a perdu 70% de ses élèves, la plupart étant originaire des régions du sud du pays, où les bombardements transfrontaliers entre le mouvement islamiste Hezbollah et Israël ont commencé il y a un an, avant de tourner à la guerre ouverte fin septembre.
« Je n’ouvre même plus mon école, je me contentais d’aller faire de la pêche sous-marine », seul moyen pour lui de décompresser, d’oublier la crise financière et la guerre, raconte-t-il.
M. Hariri vendait aussi une partie de sa pêche pour soutenir sa famille.
Puis est arrivé l’avertissement de l’armée israélienne.
« Tout le monde a commencé à m’envoyer des messages », poursuit-il. Et mardi, en dépit de conditions météo parfaites, il n’a pas vu un seul bateau de pêche sur la mer. « C’est très triste ».