La plus haute juridiction administrative, saisie en référé par des associations de défense de la nature, a suspendu des dérogations figurant dans un arrêté d’octobre qui interdit à certains bateaux de pêcher dans le golfe de Gascogne pendant quatre semaines l’hiver, afin de préserver les dauphins.
« Ces dérogations sont trop importantes pour que la fermeture de la pêche ait un effet suffisant sur les captures accidentelles pour avoir une chance de réduire dès 2024 la mortalité des petits cétacés à un niveau soutenable », explique dans un communiqué le Conseil d’État, qui doit encore se prononcer sur le fond de l’affaire.
Pour l’association Sea Shepherd, c’est une « nouvelle victoire historique » qui « permettra d’offrir un répit aux cétacés cet hiver dans le golfe de Gascogne ».
L’ONG avait saisi la juridiction avec France Nature Environnement (FNE), Défense des milieux aquatiques (DMA) et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Dans le plan gouvernemental, reproche-t-elle, « seuls quelques dizaines de bateaux devaient être concernés par cette fermeture, la rendant totalement inefficace ».
Le Comité national des pêches (CNPMEM) a dénoncé vendredi soir « des ONG extrémistes » qui « veulent faire disparaître nos métiers et nos filières en faisant du golfe de Gascogne où nous travaillons depuis des siècles, une zone interdite à la pêche », selon son président, Olivier Le Nézet, cité dans un communiqué.
Le comité estime que 500 navires n’auront pas le droit de pêcher pendant un mois dans le golfe de Gascogne, un vaste espace maritime qui s’étend, à l’ouest de la France, de la côté nord de l’Espagne jusqu’à la Bretagne.
Il affirme en outre que l’espèce des dauphins communs « n’est pas en danger » dans ce secteur.
Le Conseil d’État rappelle avoir ordonné en mars au gouvernement « de fermer, sous six mois, des zones de pêche dans le golfe de Gascogne pour des périodes appropriées, afin de limiter les décès accidentels de dauphins et marsouins ».
En réponse, le secrétariat d’État chargé de la Mer a pris un arrêté instaurant une période d’interdiction de pêche d’un mois en 2024, 2025 et 2026, « du 22 janvier au 20 février inclus », pour tous les bateaux de huit mètres ou plus équipés de certains types de filets.
– « Risque clair de disparition » –
Dans sa décision, le juge des référés estime notamment que les navires recourant aux sennes pélagiques – des filets utilisés en surface pour encercler les bancs de poissons – doivent être inclus dans l’interdiction.
Il cite le Centre international pour l’exploration de la mer (Ciem), l’organisme scientifique international de référence, selon lequel les sennes pélagiques « ont été à l’origine d’environ 20% des captures accidentelles de dauphins communs dans le golfe de Gascogne entre 2019 et 2021 ».
Le juge souligne que les pêcheurs ne bénéficiant plus des dérogations pourront – au même titre que les autres – être indemnisés pour le manque à gagner. La plateforme d’indemnisation, qui annonce jusqu’à 100% d’aide publique, a déjà été ouverte.
« Sans poissons, le mareyage dépérit, les criées ferment. Indemniser les navires pour leurs arrêts ne suffit pas à soutenir les emplois indirects et à contribuer à l’équilibre des territoires », proteste le comité national des pêches.
Même si elles n’ont pas abordé cette question lors du référé, les associations considèrent que « les conditions minimales fixées par les scientifiques pour garantir la survie des dauphins » ne sont pas respectées avec une fermeture d’un mois.
Le Ciem a recommandé des fermetures de trois mois en hiver et d’au moins un mois en été, périodes de pic de mortalité des dauphins.
« On est sur un risque clair de disparition. Chaque jour ajoute au déclin de ces espèces protégées, ce n’est pas acceptable », avait fustigé le président de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg, lors de l’audience de référé le 12 décembre.
Le Ciem a estimé qu’environ 9.000 dauphins communs mouraient chaque année par capture accidentelle sur la façade atlantique française. Une fraction d’entre eux échouent sur les côtes.
L’observatoire Pelagis a recensé 1.380 échouages de petits cétacés entre décembre et avril 2022 sur le littoral atlantique.