De Nantes à l’Afrique, les expéditions de céréales sous la loupe

Premier pays producteur en Europe, la France exporte chaque année quelque 18 millions de tonnes de blé dont une dizaine de millions hors UE, vers le Maghreb et l’Afrique principalement, depuis ses ports de l’Atlantique entre Rouen et Bordeaux, au prix d’une logistique exigeante pour répondre aux cahiers des charges des acheteurs.

« Notre responsabilité c’est de livrer un blé qui corresponde aux besoins des consommateurs locaux qu’il soit dur ou panifiable, mais aussi et même surtout de le livrer dans les temps. Une pénurie peut provoquer des émeutes », fait valoir Klaus Lewinski, responsable de la qualité et de la sécurité sanitaire de la coopérative In Vivo Grains.

Le « Lion », cargo grec qui s’apprête à appareiller pour la Côte d’Ivoire, est un « handy » (25.000 tonnes), suffisamment léger pour remonter la Loire. Pour des chargements supérieurs à bord des Panamax (du nom du canal centro-américain), jusqu’à 60.000 tonnes, In Vivo dispose d’installations dans l’estuaire, à Saint-Nazaire, aux portes du grand large.

Traçabilité à tous les niveaux

Acteur majeur de l’exportation de céréales, In Vivo Grains gère douze silos en propre dont neuf en France, répondant à des normes européennes de 2002, étoffées et durcies à la suite des crises sanitaires des années 90.

« En amont, la charte sécurité sanitaire suivie par les coopératives qui sont nos principaux fournisseurs constitue un premier verrou. Nous, en tant que négociant international, sommes le deuxième verrou, encore plus poussé par son ampleur et les procédures suivies », détaille M. Lewinski.

Chaque année, environ un million de tonnes transitent par les silos de Nantes: blé principalement, mais aussi maïs, orge, tournesol qui arrivent jusqu’ici en camions ou par convois ferroviaires d’une vingtaine de wagons (1.300 t environ).

« 9 fois sur 10 l’acheteur est un organisme d’Etat comme pour l’Algérie ou l’Egypte ».

Chaque lot déversé est individualisé, prélevé pour des analyses qualité et sanitaires et reste identifiable tout au long de la chaîne jusqu’à son arrivée dans le port de destination.

Dans l’intervalle, les cales du navire comme les cellules des silos sont strictement nettoyées pour empêcher toute contamination – les importations de produits transgéniques (soja ou maïs OGM destinés à l’alimentation animale) faisant l’objet de circuits distincts.

Première étape, à la sortie des camions et wagons, le contrôle des qualités physiques des grains: temps de chute, taux de protéines, force boulangère, humidité… Les exigences des acheteurs varient selon l’usage.

« 2013 est une année compliquée par l’excès de pluies et d’humidité » indique Mickaël Maisonneuve, responsable qualité du site. « Le taux moyen de protéines est plus souvent inférieur aux 11% requis par les clients -la Côte d’Ivoire a demandé 11,5% » – ce qui nécessite parfois des ajustements par mélange. « J’ai eu du 7% », se souvient-il.

Chasse aux intrus

Il veille simultanément – c’est la deuxième batterie d’expertises – à la qualité sanitaire, traquant dans les grains en partance les contaminations possibles, résidus de pesticides, métaux lourds, micotoxines ou salmonelles, exprimées en quantités infinitésimales (« ppm » ou « ppb »).

« Les clients s’attachent à chaque maillon de la chaîne. Légalement, il faut suivre le flux des marchandises et on doit être en mesure de donner en quelques heures toute la traçabilité des lots à la direction des fraudes. Ce qui suppose d’appliquer à la lettre des procédures européennes écrites et testées qui permettent de retirer immédiatement un lot suspect » renchérit Jérôme Coutebergues, responsable qualité des silos d’In Vivo.

Les démarches sont lourdes reconnaît-il: « On passe beaucoup de temps sur les certifications diverses, environnementales, sanitaires, désintectisation et audits internes et externes ». Il arrive que des acheteurs japonais de blé, ou norvégiens de maïs (pour les élevages en aquaculture) viennent jusqu’ici vérifier les procédures et détailler les exigences, assure-t-il.

Autant dire qu’il n’est pas question de retrouver une fiente de pigeon ou un petit rongeur dans les cales… C’est la mission de Stéphane Garcia, responsable des silos, qui traque les intrus du toit aux coursives et jusque sur les quais. Chaque année, il accroche 4.000 à 5.000 pigeons à son tableau de chasse.

Le prix de la confiance face à la concurrence.

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