Le parcours exceptionnel de ce sous-marinier, de la base au sommet, montre qu' »il ne faut rien s’interdire quand on rentre dans la marine, et que l’escalier social fonctionne. En gravissant marche par marche, on arrive à progresser », explique-t-il au sommet de la vigie du Homet, sur la base navale de Cherbourg en Normandie (nord-ouest de la France), face à l’océan.
Le Tourville, construit par Naval Group à Cherbourg, est censé faire ses premiers essais à la mer cet été avant d’être livré à la marine fin 2024 à Toulon (sud-est).
Le 15 mars dernier, lors d’une cérémonie de « prise d’armement », le sous-marin s’est vu attribuer son premier équipage qui va pouvoir commencer par des tests à quai, sous la houlette le capitaine de frégate Egret.
Le Tourville est le troisième d’une série de six SNA de la classe Suffren destinés à remplacer d’ici 2030 les sous-marins de type Rubis, en service depuis les années 1980.
Ces engins fuselés en acier noir à propulsion nucléaire sont plus modernes, plus endurants, plus discrets. De 99 m de long et 5.200 tonnes, armés de torpilles et missiles, ils ont pour mission de protéger les bâtiments stratégiques comme le porte-avions Charles-de-Gaulle ou les sous-marins lanceurs d’engins (SNLE) porteurs des missiles nucléaires.
Ils recueillent également du renseignement et sont capables d’embarquer des forces spéciales.
– Une aventure humaine –
Impeccable dans son uniforme, le commandant se rappelle avoir été marqué, petit, par le film « A la poursuite d’Octobre Rouge » avec Sean Connery, qui incarnait un commandant de sous-marin ultraperfectionné filant vers les Etats-Unis avec la flotte soviétique à ses trousses.
« Je me suis engagé pour servir mon pays, je ne me voyais pas faire autre chose », raconte-t-il.
Entré à 18 ans dans la marine, un bac scientifique en poche, il choisit de devenir détecteur anti sous-marins et de se mettre à l’écoute des sons, une des spécialités les plus techniques.
Encouragé par l’encadrement, il réussit quelques années plus tard le concours de l’école navale en interne, part pour une courte période en surface où il « découvre les escales » avant de retrouver la famille des sous-mariniers et d’occuper presque tous les postes, de la navigation, au système de communication puis de combat.
Dans la marine, 64% des sous-officiers (officiers mariniers) sont d’anciens matelots, et 41% des officiers sont issus du socle des sous-officiers. Un modèle qui permet à des jeunes sans diplôme de devenir sous-officier en quatre-cinq ans en se formant aux technologies les plus pointues, comme l’énergie atomique.
Du haut de la vigie du Homet, par temps dégagé, il est possible d’apercevoir des navires à l’oeil nu dans un rayon de plusieurs km à la ronde, alors que dans un sous-marin, « on ne voit pas à plus de deux mètres », ironise le commandant.
Une mission à bord d’un sous-marin « est une aventure humaine. Il faut s’imaginer qu’on est dans un appartement qui fait 140 mètres carrés avec 70 personnes dedans, pendant 70 jours, vous devez vivre, travailler et réaliser la mission en symbiose », s’anime-t-il.
Dans ce monde du silence, sans internet ni téléphone, où les couloirs sont étroits et les chambres minuscules, les marins « se déconnectent des réseaux sociaux pendant quelques semaines. Ca, il faut le compenser avec une activité d’équipage, ça peut être des jeux de société et des jeux de cartes quand ils ont un moment de libre ».
Le monde a changé depuis vingt ans. Avec l’éclatement de la guerre en Ukraine le 24 février 2022, la guerre de haute intensité face à un ennemi puissant, la Russie, est revenue sur le devant de la scène. Mais selon le commandant, la marine est prête : elle « s’entraîne à la haute intensité, depuis longtemps ».
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