« Pour les gens de +Ploudal+, j’étais Tintin aux Amériques », s’amusait en 2004 l’ancien sénateur centriste alors qu’il publiait un livre retraçant la saga judiciaire contre Amoco.
« Alphonse n’était pas Tintin, mais Astérix », répliquait alors le socialiste Charles Josselin, ancien président du conseil général des Côtes-d’Armor, vice-président dans les années 80 du Syndicat mixte de protection du littoral, créé deux ans après la catastrophe par des élus de droite et de gauche.
Le 16 mars 1978, quand le super tanker talonne les rochers de Portsall, le port de Ploudalmézeau, libérant 220.000 tonnes de pétrole qui vont souiller 360 kms de côtes, Alphonse Arzel, un paysan formé aux Jeunesses agricoles chrétiennes (JAC) est maire de la commune depuis 1961.
Au sein du syndicat mixte qu’il préside jusqu’en 2001, l’élu de la première commune sinistrée par la plus grande marée noire subie par la Bretagne ne tarde pas à s’imposer, maniant aussi bien la gouaille que les coups de colère.
Pour le public et les médias, Alphonse Arzel devient vite la figure de proue du combat des Bretons. Car, malgré les réticences du gouvernement français, le syndicat mixte décide d’assigner le groupe Amoco devant la justice américaine, une première pour la région déjà souillée par la marée noire du Torrey Canyon en 1967.
Le 17 avril 1984, les Bretons saluent un « jugement historique » quand la cour de Chicago reconnait la responsabilité de Standard Oil, filiale d’Amoco.
Avec humour, Alphonse Arzel promet alors d’élever une statue en hommage à Frank Mc Garr, le juge américain, projet vite abandonné quand la justice statue quelques années plus tard sur les indemnités de 34,3 millions d’euros pour les communes. « Insuffisant, le compte n’y est pas », martèlent les Bretons, alors que plusieurs élus ont fait le voyage aux Etats-Unis pour défendre leurs demandes.
« Alphonse, c’était un catalyseur d’énergies, capable d’enflammer une salle, de rassembler, c’était la figure emblématique », a réagi samedi Joël Le Jeune, président de Vigipol, la structure qui a pris le relai du Syndicat mixte après le règlement du procès.
« Plus jamais ça »
Alphonse Arzel et l’Amoco, ce sont aussi les images des élus des communes sinistrées, défilant ceints de leur écharpe tricolore dans les rues de Chicago devant des badauds médusés, ou encore la grande fête organisée en 1993 sur les dunes de Ploudalmézeau pour fêter la victoire.
« Le matin de l’échouage, il a débarqué en mairie, et a dit +plus jamais ça, on va se battre+ », raconte Marguerite Lamour, sa collaboratrice depuis 1973, et maire de Ploudalmézeau depuis 2001. « Il était satisfait d’avoir tenu tête », ajoute-t-elle.
« On a gagné car on a mis nos étiquettes politiques de côté. C’était une affaire de Bretons, d’une bande d’énergumènes » qui avaient osé s’attaquer pour la première fois à un géant du pétrole, résumait Alphonse Arzel en 2004, insistant également sur la « convivialité » des ces Bretons qui n’hésitaient pas à chanter haut et fort en langue bretonne dans les salons des hôtels de Chicago.
Dans un communiqué, l’ancien président de la région Bretagne et actuel ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a fait part de sa « tristesse » après l’annonce de son décès.
« Il aura initié le combat pour la reconnaissance du préjudice écologique et son action sert aujourd’hui toutes les victimes de naufrages pétroliers. Alphonse Arzel incarnait cette Bretagne qui ne renonce jamais et qui sait mobiliser toutes ses forces lorsque le combat est loin d’être gagné, mais lorsque le combat est juste », a souligné le ministre.
Les obsèques d’Alphonse Arzel seront célébrées mardi à Ploudalmézeau.