Le prestigieux paquebot de la compagnie britannique Cunard, qui part d’ordinaire depuis son port d’attache de Southampton (sud de l’Angleterre), a fait une exception pour ce voyage, en permettant au Havre, à l’occasion de son 500e anniversaire, de redevenir la porte française vers l’Amérique, ce qu’il a cessé d’être depuis les déboires du paquebot France, en 1974.
Les premiers passagers, surtout des Normands dont une grande proportion de Havrais, ont commencé à embarquer vers 10H30. Les autres devaient suivre dans l’après-midi pour un départ en fanfare prévu à 20H00, avec notamment les cloches des églises sonnant à toute volée.
Les passagers étaient en majorité des couples, quinquagénaires ou sexagénaires, fêtant une occasion ou réalisant un rêve.
Christian, 71 ans, ancien trésorier d’une entreprise chimique havraise, était un passionné du paquebot France mais il était trop jeune à l’époque pour pouvoir l’emprunter.
« Je me souviens encore de son arrivée au Havre, début février 1962. J’avais 16 ans, et c’était à 14H00 », raconte-t-il à l’AFP.
Il a suivi ensuite l’histoire mouvementée du paquebot français, son désarmement par le gouvernement après un long conflit social doublé d’une mutinerie d’une partie des marins, son abandon au « quai de l’oubli », son rachat et sa transformation par un armateur norvégien en paquebot de croisière sous le nom de Norway et ses quelques courts séjours au Havre en 1996, 1997 et 1998.
– ‘Je réalise un rêve’ –
« Je réalise un rêve », se félicite Christian en se rendant à sa cabine avec son compagnon, après les formalités d’embarquement.
De leur côté, Jean-Paul et Marie-Christine, 65 ans tous les deux, sont des habitués des croisières de toutes sortes mais ne sont pas blasés. « Le spectacle de l’arrivée à New York est toujours différent », assure le mari, ancien cadre de la marine marchande.
Les voyageurs français, spécialement pris en charge, au milieu de quelque 2.000 passagers britanniques, avaient réservé leur place dès avril 2016 pour vivre cette expérience, courante dans les années 50 et 60 – pour la clientèle aisée – mais devenue aujourd’hui exceptionnelle.
Les heureux élus ont dû s’acquitter d’entre 2.800 et 3.400 euros (cabine avec balcon) pour effectuer le trajet.
L’idée avait germé il y a quelques années à l’Hôtel de Ville du Havre de passer un accord avec Cunard pour que soient réservées à des passagers français 500 places, en relation avec le cinquième centenaire du port. Les réservations ont été ouvertes en avril 2016. « En septembre, tout était booké et Cunard a accepté de rajouter 250 places », a expliqué Rémy Arca, agent de la compagnie pour la France.
– Un confort ‘so British’ –
La compagnie prévoit d’autres traversées transatlantiques à l’avenir pour les Français nostalgiques de ce type de voyages, qui ont progressivement disparu avec l’essor de l’aviation.
Le Queen Mary 2, construit en France à partir de 2003 – une première pour un navire britannique – aux chantiers navals de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) est le seul paquebot restant dans le monde qui, avec ses 150.000 tonnes, ses brise lames et ses stabilisateurs, soit spécialement équipé pour affronter les eaux parfois agitées de l’Atlantique Nord.
Long de 345 mètres pour 40 de large, il est à l’intérieur d’un confort « so British », avec beaucoup de bois, de nombreux salons pour jeux de société, une vaste bibliothèque et un salon Churchill où on peut fumer le cigare et déguster un bon porto, dont le plus ancien remonte à 1840, année de naissance de la Cunard. La facture est néanmoins salée, à 5.750 dollars la bouteille…