L’Afrique du Sud, deuxième exportateur mondial d’agrumes frais après l’Espagne, a déposé plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) le mois dernier quand l’UE a introduit de nouvelles exigences phytosanitaires qui, selon les producteurs, menacent leur survie.
Les mesures sont entrées en vigueur en juillet alors que des navires transportant des centaines de conteneurs remplis de fruits sud-africains à destination de l’Europe étaient déjà en mer, ce qui a entraîné leur blocage à l’arrivée, selon l’association sud-africaine des producteurs d’agrumes (CGA).
« C’est un désastre complet et absolu », a déclaré à l’AFP le PDG de la CGA, Justin Chadwick. « Des aliments de qualité exceptionnelle, qui ne posent aucun risque, végètent là… C’est vraiment une catastrophe ».
Les règles de l’UE visent à lutter contre la propagation potentielle du faux carpocapse, un parasite africain qui a un faible pour les oranges et les pamplemousses.
L’UE exige le traitement par un froid extrême de toutes les oranges destinées aux tables européennes et un maintien à des températures inférieures ou égales à deux degrés Celsius pendant 25 jours, ce qui, selon les producteurs sud-africains, n’est pas nécessaire, le pays disposant déjà de moyens plus ciblés pour prévenir l’infestation.
Dans sa plainte auprès de l’OMC, l’Afrique du Sud fait valoir que les exigences de l’UE ne sont « pas fondées sur des données scientifiques », qu’elles sont « discriminatoires » et excessives.
Et elles font peser un stress supplémentaire sur une filière déjà éprouvée. « Cela va rajouter des coûts. Et en ce moment, c’est ce qu’aucun producteur au monde ne peut se permettre », explique Hannes de Waal, qui dirige l’exploitation quasi-centenaire Sundays River Citrus (sud-est).
– Sous pression –
M. de Waal, dont l’entreprise possède des orangers, clémentiniers et citronniers sur plus de 7.000 hectares, a déjà vu ses revenus grignotés par la hausse des coûts de transport depuis la pandémie, mais aussi celle des engrais, en raison de la guerre en Ukraine.
L’Europe est le plus grand marché pour les agrumes sud-africains, qui pèsent près de deux milliards d’euros et représentent 37% des exportations, selon le CGA. Le secteur emploie plus de 120.000 personnes dans un pays où plus d’une personne sur trois est sans emploi.
Les nouvelles règles, survenues au plus fort de la saison des oranges, ont pris de court les producteurs. Quelque 3,2 millions de cartons d’agrumes d’une valeur d’environ 35 millions d’euros sont partis avec des papiers devenus non-valides à l’arrivée.
Le gouvernement sud-africain s’est empressé d’émettre de nouveaux documents pour les expéditions répondant aux nouveaux critères, mais des centaines de conteneurs ont dû être détruits, selon M. Chadwick.
« Le système déjà en place chez nous implique un traitement par le froid, mais ciblé sur le risque, alors que la mesure de l’UE est une mesure générale qui concerne toutes les oranges », explique M. Chadwick.
Le différend est maintenant entre les mains de l’OMC. Les parties ont 60 jours pour négocier une solution. À défaut, le plaignant peut demander l’arbitrage d’un panel.
L’UE s’est dite confiante sur la « compatibilité de ses mesures avec les règles de l’OMC ».
L’objectif des critères phytosanitaires est de protéger l’UE « de l’impact significatif potentiel sur l’agriculture et l’environnement, si ce parasite s’établissait » en Europe, selon un porte-parole de la Commission européenne.
M. Chadwick espère que le « bon sens » prévaudra et qu’une solution rapide pourra être trouvée. « Notre filière est sous pression. Pour nous, c’est l’année de la survie ».