« Nous savons que d’autres pays dans le monde ne procèdent pas comme nous et ils pourraient porter préjudice aux pays en développement », avait affirmé le ministre des Finances Bruno Le Maire lors de la présentation en début d’année de sa présidence du G7 Finances.
Pour ne pas froisser la susceptibilité de la Chine, il avait évité soigneusement de la désigner comme un Etat qui accorderait des prêts généreux aux pays en développement sans s’assurer de la soutenabilité de leur dette.
« Dans beaucoup de pays en développement, la Chine s’est substituée aux financements d’organisations internationales comme le FMI et la Banque mondiale », a expliqué à l’AFP Julien Marcilly, chef économiste de l’assureur-crédit Coface.
« La conditionalité pour ces prêts n’est pas la même », a-t-il précisé. « Avec le FMI, ce sont des réformes structurelles, des coupes dans les dépenses de l’Etat. La Chine, en revanche, donne l’impression qu’il y a moins de contreparties », a-t-il souligné.
– Le cas du Sri Lanka
Un scandale au Sri Lanka a déclenché l’alerte: le pays, incapable de rembourser des prêts souscrits auprès de Pékin pour l’aménagement du port en eau profonde de Hambantota, a dû céder fin 2017 le contrôle de l’infrastructure à la Chine pour 99 ans.
« On ne peut continuer comme ça, parce que cela aboutit au bout du compte à une perte de souveraineté au profit de la Chine », a indiqué une source française à l’AFP.
D’autant que la dette des pays en développement ne cesse de croître et que les risques « d’une crise souveraine » augmentent également, a-t-on expliqué à l’AFP à Bercy, assurant que les multinationales étaient aussi visées.
De même source on cite ainsi l’exemple du Mozambique qui « s’est retrouvé en défaut de paiement à cause de financements privés indélicats et de la dette qui a été cachée ».
Avant de porter ce dossier au G7, dont la Chine ne fait pas partie, la France a tenté de convaincre le géant asiatique de rejoindre le très select Club de Paris, qui regroupe les créanciers publics, mais cette adhésion l’obligerait à être transparent sur ces prêts.
Au sein du G20, dont Pékin est membre, les pays s’étaient engagés en 2017 à respecter les analyses du FMI sur la soutenabilité de la dette avant d’accorder des prêts. La présidence japonaise prévoit de faire le point cette année.
La France est-elle préoccupée par d’éventuels défauts de pays de la zone franc CFA dont elle est garante ? « Aucun risque », assure la source de Bercy. « Notre garantie joue au titre de l’épuisement de réserves de changes et avant d’y arriver, il y a toujours des mesures correctrices qui sont prises », a-t-elle expliqué.
– Prêts gagés –
Il n’empêche que Paris s’inquiète des prêts gagés, en d’autres termes ceux qui sont remboursés par des livraisons de pétrole ou de matières premières dans les années qui suivent l’accord.
« Il s’agit du modèle angolais, le premier pays africain à avoir souscrit ce genre de prêt », a expliqué à l’AFP un spécialiste des relations sino-africaines sous anonymat.
« Pékin prête de l’argent à un pays africain pour réaliser une infrastructure, mais en le versant directement au constructeur chinois sans passer par le pays. Le remboursement se fait par l’exploitation des ressources naturelles », a-t-il expliqué.
En outre, la Chine n’a pas les mêmes moyens que les pays occidentaux avec le FMI. « Elle ne peut imposer des mesures structurelles et doit trouver un moyen plus classique » comme au Sri Lanka.
Pour la France, ces prêts gagés ou « colatéralisés » constituent un « problème ». « S’ils sont cachés et que l’on ne découvre l’existence d’un colatéral qu’au moment d’un défaut de paiement, cela peut conduire à ce que les Etats ne prêtent plus », a expliqué un spécialiste des questions de dette, sous couvert d’anonymat.
Selon M. Marcilly, l’origine du problème réside toutefois dans « la sous-représentation de la Chine et des autres puissances émergentes au sein des organisations internationales ». « Pékin n’y a pas le poids qu’elle devrait avoir ».
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