Ce navire de près de 100 mètres de long qui a quitté mardi son port d’attache de Shimonoseki (ouest du Japon) est arrivé jeudi à Tokyo, où plusieurs médias dont l’AFP ont pu le visiter.
Il doit partir samedi pour plus de sept mois de chasse à la baleine, au large des côtes nord-est et nord de l’archipel.
« C’est un nouveau navire pour une nouvelle ère, symbolisant la phase de reprise de la pêche commerciale à la baleine » du Japon depuis 2019, avait déclaré mardi M. Tokoro, président de l’entreprise baleinière Kyodo Senpaku, propriétaire et exploitante du Kangei Maru.
C’est une gigantesque boucherie conçue pour la haute mer, avec un pont couvert d’une quarantaine de mètres pour découper les baleines, qui y seront hissées une fois abattues par un treuil pouvant tracter jusqu’à 70 tonnes, sur une rampe en pente douce.
« Attention, elles sont très aiguisées », prévient M. Tokoro à propos de lames de 30 centimètres avec lesquelles des ouvriers feront le tri entre la viande utile et les déchets de l’animal, qui seront rejetés dans l’océan.
Des tapis roulants transporteront les blocs de viande, qui seront ensuite conditionnés puis stockés dans des conteneurs réfrigérés d’une capacité de 15 tonnes chacun.
– Une chasse décomplexée –
Le Kangei Maru n’est pas équipé pour la capture: un plus petit navire à ses côtés, doté d’un canon-harpon, se chargera de cette partie du travail. Mais avec ses drones, le bateau-usine contribuera au repérage des proies.
Parmi d’autres innovations par rapport au Nisshin Maru, son prédécesseur retiré l’an dernier du service après 30 ans de carrière, le Kangei Maru dispose également de cabines individuelles et du wifi, pour améliorer le confort de ses quelque 90 membres d’équipage.
Malgré l’instauration en 1986 d’un moratoire international sur la pêche commerciale à la baleine, le Japon avait persisté en exploitant et détournant une clause d’exception autorisant des missions à des fins scientifiques.
Aussi le Nisshin Maru était devenu la bête noire d’ONG environnementales comme Greenpeace et Sea Shepherd, dont des militants n’hésitaient pas à le harceler jusqu’en Antarctique pour perturber ses activités.
Depuis qu’il a quitté le moratoire international en 2019, le Japon a repris ouvertement la pêche commerciale à la baleine, mais la limite désormais à son propre espace maritime.
Les crispations internationales sur le sujet ont ainsi nettement baissé en intensité depuis, tout comme les prises du Japon, qui représentent quelques centaines de baleines par an (294 en 2023). Son quota pour cette année est de 350 baleines.
– Bataille d’arguments –
Le Japon est l’un des trois derniers pays à chasser ces cétacés, avec la Norvège et l’Islande.
Le gouvernement nippon défend cette pêche, en faisant valoir qu’elle fait partie intégrante de la culture du pays depuis des siècles et qu’elle présente un intérêt en termes de sécurité alimentaire pour l’archipel, pauvre en surfaces agricoles.
M. Tokoro avance aussi d’autres arguments. Comme les baleines sont au sommet de leur écosystème, elles avalent de grandes quantités de créatures marines « qui devraient nourrir d’autres » êtres vivants, dont les humains: « Nous attrapons de moins en moins de calmar et d’espadon au Japon parce que le nombre de baleines augmente », affirme-t-il.
« Donc nous devons abattre certaines baleines pour préserver l’équilibre de l’écosystème », conclut-il.
« Depuis des décennies, le Japon avance des arguments fallacieux sur la sécurité alimentaire pour justifier la chasse à la baleine, alors que même sa population refuse cette viande », rétorque Patrick Ramage, un expert du sujet au sein du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW).
La consommation de viande de baleine a en effet chuté au Japon à environ 2.000 tonnes par an aujourd’hui, contre 200.000 tonnes dans les années 1960, comme d’autres viandes sont devenues bien plus accessibles.
Les défenseurs de l’environnement contestent également l’argument selon lesquels les baleines entreraient en concurrence avec l’homme pour les ressources marines, soulignant au contraire leur utilité pour la santé des océans, leur biodiversité et la lutte contre le réchauffement climatique.