« Notre eau a commencé à avoir un goût étrange » en mai, se souvient Cathy Vodopija, une habitante du delta.
Pour la deuxième année consécutive, le débit de ce fleuve mythique qui traverse les Etats-Unis est historiquement bas, tellement faible qu’il ne peut bloquer le flux d’eau salée remontant de l’océan dans l’embouchure.
Et, depuis mai, estiment plusieurs habitants rencontrés sur place par l’AFP, l’eau du robinet est inutilisable. « Quand vous lavez vos vêtements, c’est comme s’ils avaient pris de l’eau de javel, sans avoir mis de l’eau de javel », raconte Cathy Vodopija.
Byron Marinovich, qui tient un restaurant sur cette fragile bande de terre au bout du delta, a dû débrancher la machine à glaçons de sa cuisine: avec le sel, la glace « devenait blanche, ce qui est très joli » – mais moins agréable pour le client.
A la maison, après sa douche, il prend une bouteille d’eau: « Tu te la verses sur la tête pour te rincer, sinon tu seras collant toute la journée », dit-il.
« Jusqu’à ce que l’eau salée remonte 100 kilomètres plus haut, ils n’en avaient rien à faire de ce qui nous arrivait », accuse Cathy Vodopija.
Le 20 septembre, une forme de barrage spécial installé sur le Mississippi par les autorités pour limiter l’intrusion de l’eau salée est franchi. L’inquiétude grandit quant à l’alimentation en eau de l’agglomération de la Nouvelle-Orléans (1,2 million d’habitants) et le sujet monte dans les médias.
Le génie de l’armée, chargé de la gestion du fleuve, décide alors de surélever ce barrage sous-marin pour limiter l’avancée de l’eau salée. Il commence aussi à injecter de l’eau douce dans les réseaux d’eau potable du sud du delta — au total, quelque 80.000 mètres cubes d’eau captés en amont ont été transportés par barge sur le Mississippi. Des unités de désalinisation sont branchées.
Depuis, « l’eau est meilleure », reconnaît Byron Marinovich, « mais on ne peut toujours pas faire quoi que ce soit avec ». Dans son Black Velvet Oyster bar & grill, le gumbo, spécialité traditionnelle locale, est encore cuisiné avec de l’eau en bouteille.
Certains des locaux ne croient pas les tests de salinité réalisés par les autorités.
Une défiance manifestée mercredi 18 octobre lors d’une réunion publique agitée, avec le principal élu local, venu pourtant annoncer la levée des restrictions sur leur eau du robinet. « La pire réunion que j’aie jamais vue », raconte M. Marinovich.
La pasteure Gaynel Bayham, qui organise depuis des mois à son église une distribution de bouteilles, en plus de celles des autorités, se dit « frustrée » par la situation, avec le sentiment que les habitants sont « laissés pour compte. »