Trois mois après le début des émeutes, état des lieux de la situation en Nouvelle-Calédonie.
. Des affrontements qui continuent
Si la tension est nettement redescendue depuis mi-juillet, le sud de la Grande Terre – l’île principale de l’archipel – est toujours inaccessible par la route. En cause, l’insécurité qui règne au niveau de la tribu de Saint-Louis, fief indépendantiste et passage obligé à une dizaine de kilomètres de Nouméa.
Depuis début août, l’accès à la tribu est même totalement interdit par les forces de l’ordre qui bloquent la circulation des deux côtés en raison, notamment, de la présence de tireurs embusqués.
Ailleurs sur l’île, des barrages n’ont pas été levés et rendent la circulation très difficile, notamment dans les communes de Ponérihouen et Poindimié, sur la côte Est.
Une situation toujours suffisamment tendue pour justifier, aux yeux du Haut-commissariat, le maintien d’un couvre-feu de 22H00 à 05H00, de même que l’interdiction du port et du transport d’armes et la vente d’alcool.
. Plus de 2 milliards d’euros de dégâts
Selon les chiffres du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, les destructions, pillages et incendies ont causé au moins 2,2 milliards d’euros de dégâts.
Quelque 700 entreprises ont été touchées, dont 66% à Nouméa. Les autorités dénombrent 26 établissements scolaires victimes des émeutes, dont un collège et un lycée totalement détruits. Tous bâtiments publics confondus, la facture des dégradations se monte à 293 millions d’euros.
Conséquence: l’économie est à genoux. Près d’un salarié sur cinq est au chômage plein ou partiel. L’État a débloqué 300 millions d’euros, mais cette somme ne couvre pas les besoins des collectivités locales au-delà de septembre, ont-elles estimé.
Une aide supplémentaire doit être décidée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, selon le haut-commissariat, qui précisait dans un communiqué début juillet que ce soutien « s’inscrira dans le cadre de discussions avec le territoire sur le projet d’avenir pour la Nouvelle-Calédonie ».
. Le corps électoral pose toujours problème
Revendication de longue date des non-indépendantistes, le dégel du corps électoral aux élections provinciales calédoniennes faisait l’objet d’âpres discussions depuis des mois. L’examen de la loi au Parlement, sans accord local, avait été vu comme un « passage en force » par les indépendantistes, déclenchant leur mobilisation.
Face à l’embrasement du territoire, Emmanuel Macron avait annoncé fin mai, lors d’une visite éclair à Nouméa, que le texte était « suspendu ».
Un terme jugé ambigu par les indépendantistes, qui souhaitent que le président de la République annonce son retrait pur et simple et jurent de continuer la mobilisation jusque-là.
Les non-indépendantistes radicaux, dont le député Ensemble pour la République (ex-Renaissance) Nicolas Metzdorf, estiment eux que la réforme n’est pas enterrée. Le sujet doit être évoqué en septembre à Paris, lors d’une réunion proposée par Emmanuel Macron aux groupes politiques calédoniens.
. Septembre à haut risque
Les violences qui durent depuis trois mois ont radicalisé les positions et annihilé tout dialogue entre indépendantistes et non-indépendantistes.
La présidente loyaliste de la province Sud, l’ex-secrétaire d’État Sonia Backès, a même proposé en juillet une « autonomisation des provinces », disant constater que « le monde kanak et le monde occidental ont (…) des antagonismes encore indépassables ». Un projet de partition unanimement rejeté par les loyalistes modérés et les indépendantistes.
Le dialogue pourrait toutefois reprendre en septembre, si d’ici là le Front de libération nationale kanak et socialiste, l’alliance des mouvements indépendantistes dans laquelle la CCAT (le mouvement à l’origine de la mobilisation) veut jouer un rôle, arrive à tenir un congrès et se mettre d’accord sur la revendication à porter à Paris.
Mais une date est redoutée, car elle pourrait être marquée par un regain de violence: le 24 septembre, qui marque la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France en 1853. « Fête de la citoyenneté » depuis 2003, la date était considérée depuis 1979 par les indépendantistes comme « jour de deuil du peuple kanak ».