Enquête close sur la vente de sous-marins à la Malaisie en 2002, avec la mise en examen de Thales

Paris, 26 avr 2022 (AFP) – Douze ans d’investigations et neuf mises en examen, dont celles des groupes de défense français Thales et DCNI : l’information judiciaire menée à Paris sur des soupçons de versement de pots-de-vins en marge de la vente de sous-marins à la Malaisie en 2002 a été clôturée fin janvier.

Après deux de ses filiales, Thales International Asia (Thint Asia) en septembre 2020 puis Thales International (Thint) en septembre 2021, la maison-mère Thales SA a été mise en examen le 18 janvier pour « complicité de corruption active d’agent public étranger » par la juge d’instruction financière parisienne Aude Buresi, qui a clos les investigations neuf jours après.

Thales, l’un des principaux groupes de défense mondiaux, « conteste avec la plus grande fermeté les faits qui lui sont reprochés », a-t-il indiqué, sollicité par l’AFP.

La holding a dénoncé des mises en examen intervenues alors que Mme Buresi « avait précédemment estimé », en février 2021, « son information judiciaire terminée après dix années d’enquête sans jamais avoir mis en cause la responsabilité » de la maison-mère.

Autre mis en cause, depuis septembre 2020 cette fois, la DCNI, poursuivie pour corruption active d’agent public étranger et complicité d’abus de confiance, qui a contesté à l’AFP « la commission d’une quelconque infraction en lien avec la conclusion du contrat malaisien. »

« Les sous-marins ont été vendus à la Malaisie en 2002 par DCN International (DCNI), alors détenue à 100% par l’État », et désormais filiale de Naval Group, a-t-elle précisé.

Au total, neuf personnes physiques ou morales sont mises en cause dans cette enquête ouverte après la plainte déposée fin 2009 par l’association anticorruption malaisienne Suaram.

« Cette mise en examen et la clôture de l’information permettent d’envisager le procès de deux acteurs majeurs de l’industrie d’armement française pour des faits de corruption internationale emblématiques », s’est félicité Me William Bourdon, avocat de Suaram sollicité par l’AFP.

Le Parquet national financier doit désormais prendre ses réquisitions, avant une décision finale de la juge sur un procès éventuel.

La procédure est toutefois suspendue à la décision, prévue pour le 7 juin, de la cour d’appel de Paris, saisie depuis mai 2021.

Thales conteste notamment une perquisition menée en 2010 au siège social de la filiale Thales International à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) et demande l’annulation de sa mise en examen.

Au coeur de l’affaire, des contrats de consultants conclus en marge de la vente à la Malaisie en 2002, après plusieurs années de négociations, de deux sous-marins Scorpène et d’un sous-marin Agosta par la DCNI, alliée avec Thales, pour près d’un milliard d’euros.

Deux ans auparavant, les normes internationales sur la rémunération des consultants avaient été durcies pour lutter contre la corruption.

-« Supputation »-

Or, la justice française soupçonne certains de ces contrats d’avoir été utilisés comme paravents pour verser des pots-de-vins au ministre malaisien de la Défense d’alors Najib Razak, via un de ses proches, Abdul Razak Baginda, afin qu’il choisisse l’option française.

L’un de ces contrats, baptisé « C5 ingénierie commerciale », prévoyait le versement par la DCNI de 30 millions d’euros à Thint Asia, au titre de frais commerciaux à l’exportation (FCE).

Or, l’enquête montre qu’une autre société, Terasasi, dont l’actionnaire principal était M. Baginda, a touché une somme comparable pour des activités de conseil auprès de Thint Asia.

« Dans la mesure où l’expertise de M. Baginda ne ressort manifestement pas des rapports fournis par Terasasi à Thint Asia puis transférés à DCNI, que sa société a perçu près de 37 millions d’euros et que vous êtes informés qu'(il) est un proche ou un conseiller du ministre de la Défense, (…) n’est-il pas manifeste que DCNI a payé Thales pour payer ces commissions en contrepartie de décisions favorables du ministre, en l’occurrence l’achat de sous-marins Scorpène à DCNI? », a demandé la juge au représentant de DCNI dans un interrogatoire de septembre 2020.

« Une supputation », a répondu le directeur juridique groupe de Naval Group.

La magistrate reconnaissait en septembre 2020 qu' »aucun mouvement financier ne permet d’établir le versement de commissions au profit directement de M. Razak par M. Baginda ».

Pour la défense, c’est la démonstration de l’absence de corruption dans ce dossier.

Un autre contrat, prévoyant le versement par la Malaisie de 114 millions d’euros à une société locale, Perimekar, dirigée à l’époque par l’épouse de M. Baginda, a aussi suscité des interrogations.

Najib Razak, Premier ministre entre 2009 et 2018, a été condamné en appel en 2020 à 12 ans de prison pour son rôle dans le scandale du pillage de milliards de dollars du fonds souverain 1MDB.

gd-mra/mk/pga/dch

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