Connectés au fleuve tout ou partie de l’année, ils ont été petit à petit envahis par la végétation et les sédiments, leur débit déjà modeste ayant été encore réduit par les barrages et les ouvrages construits sur le lit principal.
« Le paradoxe, c’est qu’une lône morte est très végétalisée mais il n’y a plus de milieu aquatique », souligne Christophe Moiroud, chargé du programme de restauration écologique à la Compagnie nationale du Rhône, gestionnaire du fleuve.
Recreusée et reconnectée au cours principal, la lône devient un lieu favorable aux batraciens mais aussi à l’installation des martins-pêcheurs sur les berges, grâce à la reprise de l’érosion.
Sur le secteur de Donzère-Mondragon, au sud de Montélimar, sept lônes ont été récemment restaurées sur 15 kilomètres. Pour les remettre en eau, les pelleteuses s’activent et les camions évacuent les milliers de mètres cubes de limons accumulés.
Quelques kilomètres plus loin, les travaux datent de quelques semaines et déjà, une crue a formé un banc de galets au-dessus duquel volent oiseaux et libellules. « C’est ce type de milieu vivant qu’on cherche à recréer », ajoute M. Moiroud.
– Absorber les crues –
Le Rhône a connu un grand nombre d’aménagements pour le rendre navigable dès le XIXe siècle, puis pour y construire des barrages, enfin pour implanter des centrales nucléaires sur ses rives, travaux qui ont conduit à l’assèchement de ses bras secondaires.
Dès la fin des années 1980, une réflexion s’est enclenchée, d’abord pour prévenir les inondations, les lônes comblées ne remplissant plus leur office d’amortisseur en cas de crue; puis la problématique s’est déplacée vers la biodiversité.
« Si l’on ne fait rien, on a un appauvrissement généralisé. C’est le côté humide qu’on va perdre avec ses cortèges de batraciens, de plantes aquatiques, de forêts alluviales, d’oiseaux », souligne le responsable de la Compagnie nationale du Rhône.
Ces réaménagements ont eu un impact sur le débit du fleuve et de ses canaux, et pour compenser la perte de débit au niveau de certains barrages hydroélectriques, cinq micro-centrales ont été installées.
Au total, sur environ 250 lônes, plus de 40 ont été réhabilitées depuis une vingtaine d’années, pour environ 20 millions d’euros. « Ça peut paraître beaucoup et à la fois peu, quand on regarde à l’échelle du Rhône toute la valeur économique tirée de l’exploitation du fleuve », relève M. Moiroud.
– Retour du castor –
Un suivi scientifique a été réalisé entre 2000 et 2015 pour évaluer les effets de ces réaménagements sur la faune et la flore: à Pierre-Bénite, dans la banlieue sud de Lyon, avec le débit du « Vieux Rhône » passé de 10 à 100 m3/seconde, la population d’ablettes a été multipliée par quatre et celle de certains invertébrés par onze.
A Brégnier-Cordon, à l’ouest de Lyon, plusieurs lônes réhabilitées en 2005-2006 restent surveillées de près par un ingénieur qui sillonne régulièrement les bras du fleuve en bateau. L’une d’elles, où l’eau est peu profonde et stagnante, est devenue « une très bonne zone de croissance pour les très jeunes poissons », observe Jean-Michel Olivier.
Une autre, courante, est davantage propice aux juvéniles de truites ou de barbeaux. Et le castor s’épanouit sur les rives du lit principal. Ces chenaux constituent « de véritables réservoir d’espèces », résume ce scientifique.
« Les lônes, c’est une pièce du puzzle pour se rapprocher de la biodiversité caractéristique des grands fleuves – comme le Rhin, le Rhône, le Danube – et la maintenir », estime-t-il.
Pour ne pas perturber la reproduction des animaux, ce vaste chantier se poursuivra à l’automne.