Le président François Hollande « considère que la situation actuelle dans l’est de l’Ukraine ne permet toujours pas » cette livraison et « il a donc estimé qu’il convenait de surseoir, jusqu’à nouvel ordre » à son autorisation, a déclaré l’Elysée dans un très bref communiqué.
La décision a été accueillie par Moscou avec une modération teintée de mise en garde.
La Russie ne va pas « pour l’instant » poursuivre en justice la France, a réagi un vice-ministre russe de la Défense, Iouri Borissov. « Nous allons attendre avec patience (…) Pour l’instant, nous n’intentons aucune action », a affirmé M. Borissov, cité par l’agence publique Ria Novosti. Toutefois, si la France « ne nous livre pas (le navire), nous allons faire un procès » et lui réclamer une amende « conformément au contrat », a-t-il averti, selon l’agence Tass.
Selon une source proche du dossier à Paris, le communiqué de l’Elysée a été publié mardi pour répondre aux « échéances du contrat ». Mais aucune précision sur ces échéances, ni sur les éventuelles pénalités auxquelles s’expose la France, n’a été fournie. Pas plus que sur le devenir des marins russes envoyés en France pour se former au navire et le ramener en Russie.
« Le contrat prévoit une possibilité de prolongation des délais de livraison pour trois mois, à savoir jusqu’à la mi-février », a relevé à Moscou une source haut placée au ministère russe de la Défense, citée par l’agence Interfax. En conséquence, Moscou n’a « pas pour l’instant de fondement pour poursuivre en justice les partenaires français », a-t-elle précisé.
« Pendant cette période, les autorités françaises vont essayer de tirer le profit politique maximal de cette situation », selon cette même source russe.
Le premier Mistral, le Vladivostok, devait initialement être remis à Moscou mi-novembre, dans le cadre d’un contrat de 1,2 milliard d’euros signé en juin 2011 entre la Russie et le constructeur naval DCNS sous l’ancien président de droite Nicolas Sarkozy.
– Marins russes en attente –
L’opération est désormais au coeur d’un imbroglio diplomatico-militaire depuis que M. Hollande, son successeur socialiste, a décidé début septembre de lier cette livraison, très critiquée notamment aux Etats-Unis, au règlement politique de la crise en Ukraine.
Le chef de l’Etat français a répété à plusieurs reprises ces dernières semaines que le cessez-le-feu prévu dans l’accord signé à Minsk le 5 septembre devait être « entièrement respecté » en Ukraine avant que Paris ne procède à la livraison du Vladivostok.
Or la situation sur le terrain, dans l’est de l’Ukraine, s’est de nouveau dégradée. « Les conditions d’une livraison ne sont pas réunies », a réaffirmé mardi le chef de la diplomatie française Laurent Fabius.
Les Mistral sont des navires polyvalents, pouvant transporter des hélicoptères et des chars, ou accueillir un état-major embarqué.
Mardi après-midi, dans le brouillard enveloppant le port de Saint-Nazaire (ouest) où a été construit et reste à quai le Vladivostok, plusieurs dizaines de marins russes étaient visibles sur le bateau école russe Smolny, amarré à proximité.
Le second Mistral vendu à la Russie, le Sébastopol, doit théoriquement être livré à la Russie en octobre 2015. Mis à flots dans la nuit de jeudi à vendredi, ce bâtiment est en cours de construction.
Pour le président Hollande, le dossier Mistral, hérité de son prédécesseur, est un véritable casse-tête.
Outre le coût financier potentiel, l’annulation de la livraison des navires risque de placer la France dans la difficile position du partenaire qui n’honore pas ses contrats.
A l’inverse, la remise à la Russie du navire est assurée de susciter l’émoi au sein de l’Otan, notamment en Pologne et dans les pays baltes, qui s’estiment en première ligne face à la Russie et redoutent de faire à leur tour les frais de son imprévisibilité.
La question fait également débat en France. La position du président y est critiquée par l’extrême droite et les communistes, favorables à une livraison tout comme Nicolas Sarkozy. Au contraire d’Alain Juppé (opposition), ex-chef de la diplomatie française, qui soutient François Hollande en jugeant l’attitude de la Russie en Ukraine « pas acceptable ».
bur-bpi-mp/prh/LyS
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